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Nous pouvons le boire mais aussi le manger !

Cette protéine indispensable à notre organisme est devenue le complément alimentaire le plus plébiscité au monde. Mais les bénéfices allégués suscitent des interrogations.

En septembre 2013, un Reportage publié dans un quotidien régional de Floride suscite l’interrogation jusque dans la presse française. À Fort Lauderdale, des mères de famille organisent des « collagen drinkable parties », selon un principe similaire aux « botox parties » qui sévissaient dans les années 2010. Ici, point d’injections mais des doses buvables de collagène pur dégustées comme du champagne. Dans la foulée, d’autres médias s’emparent du sujet, consultant à tour de bras des experts sur les dangers d’une nouvelle lubie des             « beauty addicts».

Moins d’une décennie plus tard, renversement de situation: ce même collagène est devenu un véritable phénomène mondial. Une manne qui fait désormais le bonheur de l’agroalimentaire, de la cosmétique, qui se lance dans les compléments nutritionnels, et des industries surfant sur la santé et le bien-être.

Dans ce contexte, le collagène cocherait toutes les cases. Principale protéine du corps, il est présent partout, que ce soit au niveau de la peau, des os, du cartilage comme des vaisseaux sanguins. Sa consommation aurait donc des bénéfices multiples tels que jeunesse et éclat, souplesse articulaire et récupération sportive.

D’autant qu’un autre argument choc est souvent avancé : sa baisse de production de 1% par an dès l’âge de 25 ans, et jusqu’à 30% chaque année à partir de 70 ans. Et ce discours fonctionne, puisque les ventes de collagène à ingérer sont en hausse permanente dans le monde. D’ici 2030, leur progression annuelle devrait être de 6,9% pour atteindre 3,7 milliards de dollars.

L’Asie et l’Amérique du Nord sont les premiers utilisateurs de collagène, notamment les États-Unis, pays le plus consommateur de compléments alimentaires. En 2012, Les Echos mentionnaient déjà l’importance de la consommation de ce type de produits, pour borine part liée au coût des soins médicaux.

Les Américains en prenaient de façon préventive pour retarder le recours au système de santé classique. Dix ans plus tard, le phénomène s’est accéléré et le collagène tient une place de choix aux côtés des vitamines et des sels minéraux. Rien qu’entre octobre 2020 et octobre 2021, ses ventes auraient grimpé de 56%.

Des nouveaux formats pour marché mature

Petit-déjeuner, snacks, desserts, jus de fruits. Toutes les occasions sont bonnes pour consommer la protéine miracle entrée dans la vie quotidienne comme un aliment courant.

Conséquence, au rayon alimentation, le collagène se glisse dans de nombreux produits.

Pop-corn, plaques de chocolat, café instantané, smoothies fruits-légumes… il y a l’embarras du choix.

« Sur un marché mature tel que les États-Unis, on est amené à diversifier l’offre pour satisfaire des consommateurs qui en prennent à longueur d’année et à haute dose. Quand la marque a démarré, en 2013, un seul produit était disponible, une poudre au goût neutre à diluer.

Depuis, elle a développé les formats, en gélules, en gommes à mâcher ou en préparations aromatisées pour boisson », explique Sarah Moisan, brand manager de Vital Proteins, qui est leader sur le marché américain.

Acquise par Nestlé en juin 2020, la marque s’est implantée en France en mai 2021.

«Ici, le collagène est surtout connu pour son usage en cosmétique, la clientèle est encore majoritairement féminine et en quête de bénéfices beauté. Mais nous avons aussi la catégorie des sportifs habitués à consommer des compléments alimentaires», ajoute Sarah Moisan.

A la rencontre du 29ème type

Dans l’Hexagone, l’offre a littéralement explosé en deux ans. Des marques étrangères comme la britannique Absolute Collagen emboîtent le pas de Vital Proteins, d’autres made in France voient le jour, c’est par exemple le cas d’Apnée ou Humble+.

Quant aux acteurs français présents depuis plusieurs années, ils multiplient leurs propositions. Derniers en date, Biocyte qui lance deux nouvelles formules, une végane et la seconde hautement concentrée, et Vita Recherche qui propose des versions « minceur & détox» ou encore « beauté ».

Les bienfaits à démontrer

Nombre d’industriels sont conscients de ces questionnements et réagissent. Certains intègrent dans leurs formules la protéine sous forme de peptides (ou « hydrolysée») à la technologie brevetée comme le BioCell Collagen chez Solgar, le Verisol chez Oenobiol ou le Naticol chez Biocyte.

D’autres à l’instar de Vital Proteins, Absolute Collagen ou Vita Recherche optent pour un dosage qui fait souvent consensus: « Nous considérons que 8 à 10 g sur quatre à douze semaines sont nécessaires pour obtenir des résultats visibles, tant au niveau de la peau que du corps et des articulations par exemple.

Quant aux études, nous restons prudents et en avons mis deux en place, l’une sur le terrain avec l’équipe de France de rugby et l’autre en vue d’une publication scientifique avec l’Hôpital européen Georges-Pompidou », explique Frédéric Martin, cofondateur de Vita Recherche.

Reste à voir si des allégations comme «anti-stress», «brûle-graisse», «anti-inflammatoire», «anti-acné» ou « favorisant l’immunité» qu’avancent certaines marques peuvent être ainsi démontrées.

Les Echos, Johanne Courbatère de Gaudric, 1 décembre 2022