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Le figaro nouveau est enfin arrivé !

Profession essentielle, la coiffure est en train d’amorcer une mue spectaculaire. Tarifs, prestations, localisation, ça déménage chez les pros du ciseau.

Parmi les métiers en pleine mutation, il en est un que l’on regarde peu mais qui a opéré un sacré virage ces dernières années : celui de coiffeur. Avec 100 000 établissements, la coiffure occupe le deuxième rang des activités artisanales, après les entreprises de maçonnerie générale. La profession compte près de 176 000 actifs. C’est avec les confinements, la neurasthénie domestique et l’explosion des tignasses à la Cro-Magnon que les Français ont réalisé l’importance de cette activité, bien plus indispensable à la vie sociale qu’ils ne l’auraient cru et qui, du reste, a été classée « essentielle » en 2021.

Un coup de projecteur sur ceux que l’on appelait jadis les « merlans » est donc plus que mérité. D’autant que le métier a évolué de façon remarquable. Accélérée par la politique sanitaire, la numérisation a contraint nombre de ces professionnels à réviser leur manière de travailler. Certains se sont transformés en petites entreprises très agiles.

Fonctionnalité contre convivialité

Si le salon de quartier traditionnel, avec ses habituées de mère en fille (plus coup de ciseau rapide au fiston et au papa), tient bon en province et dans les arrondissements familiaux de la capitale, la donne a changé dans les centres affairés. Qu’il le souhaite proche de son domicile, pour s’y rendre les jours de télétravail, ou à deux pas de son lieu d’activité, le salarié cherche plus la commodité que la convivialité. « Le salon est devenu très fonctionnel. Il n’est plus le lieu de socialisation qu’il a été pendant longtemps », reprend Julie Audouin-Urdangaray.

Les femmes actives n’ont pas de temps à perdre, en particulier pour une prise de rendez-vous : 24h/24 7j/7, cette dernière s’opère souvent sur une plateforme qui géolocalise les salons, fournit des avis de clients, calcule le prix de prestation, voire permet de prépayer en ligne. De son côté, le coiffeur n’est plus sans cesse interrompu pendant sa coupe pour répondre au téléphone. Et la fréquentation des salons a bondi de 60 %, soit un rendez-vous pris tous les quarante jours en moyenne », explique Antoine Puymirat, directeur général de la plateforme.

Le figaro numérisé est visible sur les réseaux sociaux. Thomas Tuccinardi, 28 ans, coloriste à Lyon et ambassadeur de la marque Olaplex, a lancé son activité à la sortie du confinement, uniquement grâce au contenu posté sur ces supports. « Avec le buzz que j’ai généré, mon carnet de rendez-vous s’est rempli immédiatement. En matière de notoriété, je peux dire que j’ai gagné dix ans! », se félicite le jeune homme, qui anime, aidé de ses six coiffeurs et de ses deux « community managers » embauchés à plein temps, une communauté de 137 K suiveurs sur Instagram. Tout au long de la journée, l’équipe photographie les coiffures des clients et les poste à un rythme effréné.

La bonne idée ? Installer dans son salon une borne à selfie. Clic, clac, clic, clac. Ça poste, ça reposte.

Autre mutation notable: depuis la création du régime d’auto entrepreneur, en 2009, le nombre de coiffeurs désertant les salons pour s’installer à leur compte a été multiplié par 3,5. « La profession s’ubérise. La jeune génération ne veut plus des contraintes de l’entreprise. Elle cherche la flexibilité horaire et surtout une meilleure rémunération », résume Romain, un coloriste réputé de la place de Paris.Au point que les salons affrontent une véritable crise du recrutement. Selon l’Unec (Union nationale des entreprises de la coiffure), la faute en revient aux mesures peu incitatives du gouvernement Hollande envers l’apprentissage.

Mais, pour beaucoup, c’est la médiocrité du salaire de base (1603,12 € brut pour un coiffeur débutant) qui explique le désamour. Le métier de coiffeur compte parmi les moins lucratifs de France.

David Lucas (30 employés répartis entre ses salons de Paris, de Bordeaux et du Pyla, dans la Gironde) leur offre un samedi par mois, une participation, un intéressement, un séminaire une fois par an dans un endroit luxueux (Courchevel, Marrakech), une soirée de Noël et une demi-journée de formation par mois avec une star de la coiffure sur les Fashion Weeks.

Il n’empêche, certains rêvent toujours du statut de free-lance… Il est vrai aussi que la coiffure à domicile a explosé (un quart des actifs) depuis la pandémie. « Beaucoup de jeunes parents y font appel, une clientèle haut de gamme aussi, ou encore des femmes traumatisées par leurs expériences en salon », explique Sophie Cornay. cofondatrice de Chosen, une plateforme de réservation qui identifie non pas le salon, mais le coiffeur le plus adapté à votre profil.

Mais ce qui fait un carton auprès des free-lances, en ce moment, ce sont les espaces de cotravail consacrés à la coiffure qui fleurissent cà et là.

«Nous proposons la location de fauteuils, dans un lieu équipé, au jour, au mois ou à l’année. Libre ensuite aux coiffeurs de gérer leur clientèle comme ils l’entendent. Ce sont eux les patrons ! », explique Julien Dauger, cofondateur de La Fabrica, Paris IX° (la-fabrica.fr).

Une ruche ouverte sept jours sur sept, dans laquelle se côtoient des professionnels de tous profils:

  • le pro du cheveu bouclé,
  • l’as des extensions,
  • le cador de la coupe « mulet »,
  • le noctambule qui coiffe jusqu’à pas d’heure…

Chacun y dispose d’un espace de 6 m°, séparé des autres par des rideaux. Les bacs à shampooing sont communs.

Moins d’apprêt. et moins de budget!

Contrairement aux Américaines ultra-brushées, les Françaises ont toujours privilégié le naturel en matière de coiffure (le fameux « coiffé décoiffé »). Deux tiers des femmes portent leurs cheveux longs ou mi-longs et sortent du salon sans brushing. « Les coiffures sont moins structurées, plus naturelles. Elles demandent moins d’entretien », indique Julie

Audouin-Urdangaray. Côté couleur, la mode des cheveux gris (8 % des femmes) et des racines foncées arborées par des stars comme Madonna a décomplexé les clientes, qui n’hésitent plus à assumer une couleur fatiguée.

Elles espacent davantage leurs rendez-vous (deux ou trois par an en moyenne). À la coloration classique, elles préfèrent le balayage, qui nécessite un entretien moins rigoureux, et, pour compenser le peu de temps accordé à la coiffure, misent sur le soin de la fibre capillaire. En témoigne la jolie progression de la coloration végétale, type Ivive de René Furterer.

Tokio inka-rami est « le » soin chouchou du moment. Ce protocole japonais en cinq étapes utilise des molécules de kératine de tailles et de poids divers pour combler les brèches à l’intérieur de la fibre capillaire et redonner à la chevelure une douceur et une brillance exceptionnelles. Intéressant aussi: le Metal Detox de L’Oréal professionnel…La désaffection pour le « casque impeccable » a sans doute aussi des motifs économiques : 41 % des établissements ont répercuté l’inflation sur leur tarification.

Avec la crise de l’énergie, la fiche moyenne (45,69 € pour madame et 23,86 € pour monsieur) risque encore de s’envoler. Il est donc probable que de plus en plus de clients se tournent vers les chaînes low cost (coupe autour de 24 € pour la femme, 19 € pour l’homme), qui se modernisent, elles aussi, avec un parcours entièrement numérisé chez Coiff & Co, par exemple. Pas de rendez-vous.

On s’enregistre sur une borne et on sélectionne ses prestations. Si le salon est bondé, un SMS vous est envoyé quinze minutes avant la prise en charge. Autre initiative: la coiffure sur abonnement, concept proposé dans des salons haut de gamme cette fois, et sans engagement. Il suffit de déterminer la fréquence à laquelle vous souhailez vous rendre (une à plusieurs fois par mois) ainsi que le type de prestation qui vous intéresse (brushing, coloration).Un forfait personnalisé est établi, à un tarif deux à trois fois inférieur à celui proposé par la concurrence.

Marianne, Linh Pham, 25  janvier 2023