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Ex-voto, croix et autres bondieuseries… la déco retrouve la foi !

Inspirés de l’imagerie catholique, les objets sacrés sortent du cadre purement religieux et rencontrent un certain succès dans les boutiques et concept stores de décoration.

Quand Aurélia Leclercq et Hortense Lefébure ont lancé Sapristi, leur commerce de statuettes de vierges colorées, elles ne s’attendaient pas à remporter un tel succès. Pourtant, depuis la création de leur entreprise, en 2021, elles ont vendu plus de 4 000 exemplaires de la figure mariale dans ­l’Hexagone, dans toutes les couleurs et surtout en rose fluo. Si la madone fonctionne aussi bien, c’est parce que les clients se l’approprient facilement, explique le duo de créatrices, et qu’elle renvoie « à des notions aussi positives que la douceur, la protection ou la maternité ».

La Vierge Marie n’est pas un cas isolé : les ex-voto et autres bondieuseries inspirées de l’imagerie catholique, y compris dans un style mexicain à la Frida Kahlo, ont essaimé ces dernières années, lentement mais sûrement, d’abord chez les antiquaires, en version vintage, puis dans les boutiques et concept stores de décoration. Même La Redoute propose désormais des cœurs sacrés en laiton, à accrocher aux murs du salon ou de la chambre à coucher…

A l’origine préposée à la fabrication de cierges et de bougies destinés à un usage religieux, la ciergerie artisanale des Prémontrés, créée en 1858 par les pères blancs, a elle-même ouvert son offre à des produits purement décoratifs depuis quelques années. « Finalement, parmi tout ce que l’on propose, c’est Santi Belli, notre ligne de décoration à base d’icônes religieuses, pampilles et croix, produite dans une trentaine de couleurs, qui marche le mieux », confirme Anne Poutoire, directrice commerciale de la manufacture provençale.

Ce succès a nécessité l’embauche de plusieurs maîtres ciriers pour suivre la progression de la demande et du chiffre d’affaires de l’entreprise, qui exporte désormais ses artefacts au Japon et en Nouvelle-Zélande.

« La Vierge et le crucifix, identifiables par tous, sont des ­éléments visuels qui font partie du paysage français et même du patrimoine. Au fur et à mesure, ils peuvent être transformés et avoir un autre usage, mais ils gardent malgré tout une certaine aura, car ils ne sont pas ordinaires », analyse Anne-Laure Zwilling, sociologue des religions et ingénieure de recherche au CNRS à Strasbourg.

Ainsi, à l’instar des chapelets orthodoxes portés en colliers, du symbole du yin et du yang ou de la croix de vie égyptienne, les ex-voto auraient perdu leur signification première, voire religieuse, tout en conservant une dimension ésotérique et protectrice. Pour Camille Bonneville, fondatrice avec sa sœur, Justine, de la marque Boncœurs, spécialisée dans la vente d’objets pour la maison inspirés de l’art religieux, c’est bien autre chose que la foi qui conduit leur clientèle à s’offrir un coussin estampillé d’un cœur sacré : « Ce type d’accessoire représente un support matériel à la projection d’une intention ou d’un souhait. On lui associe une histoire, on l’investit d’un pouvoir magique. »

Le Monde, Marie Joan, 22 mai 2022