Skip links

Burger King et son « Master Basque » mise sur le terroir !

Dans sa dernière campagne publicitaire, la marque de fast-food a choisi de mettre en avant son nouveau burger « Pays basque », au grand dam des producteurs locaux. Devenus tendance, les terroirs sont la cible de toutes les attentions marketing.

Vous reprendrez bien un peu de piment d’Espelette avec vos chili cheese nuggets ? A la fin du mois de mars, la marque de fast-food Burger King a dévoilé deux nouveaux sandwichs dans son menu : le Master Basque au boeuf, et sa variante au poulet. Un burger tout ce qu’il y a de plus classique, accompagné de tranches de chorizo, de fromage de brebis des Pyrénées, la touche de sauce au piment d’Espelette en plus.

L’astuce, qui a le don d’agacer au plus haut point certains défenseurs du Pays Basque, montre l’intérêt accru des marques pour les « saveurs terroirs ». Les coups marketing d’aujourd’hui se tournent toujours plus vers « les territoires ». Ils sont devenus un gage d’authenticité pour des marques souhaitant se détacher de leur image associée à la malbouffe et désireuses de se donner un vernis plus local.

A Biarritz, la campagne publicitaire de Burger King suscite même l’indignation. « Nous n’avons aucune envie que les gens associent le Pays basque à une marque de fast-food alors que nous dépensons des millions d’euros en communication sur notre bien vivre et bien manger ! ».

Malgré leur amertume, les habitants ne peuvent rien faire contre cette utilisation : Burger King a bien respecté les règles pour utiliser la sauce appellation d’origine contrôlée (AOP) au piment d’Espelette. « Nous sommes convaincus que la richesse gastronomique de chaque région mérite d’être rendue accessible au plus grand nombre et partout en France, indique la marque à L’Express. Si cela donne envie aux Français de consommer du piment d’Espelette dans d’autres recettes de leur choix, nous aurons gagné notre pari ».

Dans le « camp d’en face », l’argumentaire agace : « Cette sauce ne représente qu’une toute petite partie du burger ! », s’indigne Paxkal Indo. Qu’importe si la marque assure utiliser des produits français pour le reste de son sandwich. « Français, pas basques, précise-t-il. Je ne vois pas en quoi ce burger profite à qui que ce soit d’autre que Burger King, alors qu’ils ne se gênent pas pour exploiter notre image. » Difficile, pourtant, de parler « d’usurpation » : il n’existe pas de marque « basque». « Les acteurs locaux avaient bien tenté de s’entendre pour créer une appellation qui aurait été gage de qualité. Mais ce projet a été abandonné », relate Paxkal Indo.

Le Pays basque n’est pas le seul terroir à avoir suscité la gourmandise du géant du fast-food. En 2021, Burger King avait dévoilé un sandwich auvergnat et Rôsti auvergnat. Comme pour le burger basque, l’entreprise mettait en avant son utilisation de viande et de pain cultivé et fabriqué en France, allié à un fromage AOP de la région concernée.

« Il s’agit d’une stratégie assez éprouvée, analyse Julien Féré, docteur en sciences de l’information et de la communication au Celsa Paris Sorbonne et conseiller en marketing pour Onepoint. Beaucoup de fast-foods tentent de métisser leurs identités américaines en faisant appel à des produits français. » Le concurrent de McDonald’s met aussi en avant son utilisation des produits hexagonaux dans son offre de burger: tomme des Pyrénées IGP, McRaclette, charolais …

Depuis 2012, la marque au M jaune valorise ses partenariats avec des producteurs proposant des appellations locales. Allant encore plus loin dans la démarche, l’enseigne avait même fini par utiliser la baguette, symbole français par excellence, pour en faire un burger. De la même manière, KFC, autre chaîne de restauration rapide spécialisée dans le poulet, a lancé une sélection de produits « raclette addict ». Dans chaque cas, le processus est similaire : utiliser une identité locale (le Pays basque, l’Auvergne) ou nationale (un symbole ou un produit identifié comme « français ») pour donner un nouveau vernis à la marque.

L’appel au « terroir » a un objectif : attirer des clients toujours plus tentés par le local. En 2021, un sondage de l’Institut OpinionWay réalisé pour le Concours général agricole démontrait que 9 Français sur 10 consomment « au moins occasionnellement » des produits du terroir. Dans une autre étude, cette fois réalisée par l’Ifop en mai de l’année suivante, 39 % des personnes interrogées indiquaient que le principal enjeu alimentaire pour la France était de favoriser une alimentation d’origine locale. Plus d’un tiers d’entre elles (35 %) souhaiteraient également la relocalisation en France des industries agroalimentaires.

Rien d’étonnant à ce que les enseignes de restauration rapide se tournent vers les appellations locales pour améliorer leur réputation. Les fast-foods allient un aliment transgressif, gras et a priori mauvais pour la santé, au côté terroir, réputé sain et authentique. Le cas du « burger basque » est une illustration de cette démarche marketing : l’adjectif sert avant tout à évoquer un imaginaire.

L’EXPRESS, Alexandra Saviana, 27 avril 2023.