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Quand la Fashion Week de Milan réchauffe l’hiver prochain

Décolletés plongeants, jupes fendues à l’extrême, mailles transparentes… Les collections automne-hiver 2022-2023 dénudent les corps, quitte à pousser les créateurs au-delà de leur registre habituel.

On a vu beaucoup de chair pour une saison automne-hiver. Et c’est probablement l’élément le plus marquant de cette fashion week milanaise, qui s’est tenue du 22 au 28 février. Un grand nombre de designers ont montré des vêtements qui dévoilent le corps plus qu’ils ne le couvrent, dans des registres complètement différents, de la sensualité évocatrice jusqu’à la sexualité agressive.

Diesel a frappé fort en installant dans des positions suggestives des poupées gonflables monumentales, hyper sexualisées et légèrement pixélisées, comme Lara Croft au début des années 2000. Cette mise en scène au fort potentiel viral accueillait la première collection présentée « en vrai » de Glenn Martens, fondateur de Y/Project, recruté chez Diesel en 2020. Le Belge, qui la voulait « perturbante, sexy, fluide et amusante », a imaginé des jupes si courtes qu’elles se confondent avec des ceintures, des cuissardes qui grimpent jusqu’aux fesses, des mini brassières… Et puisque c’est l’ADN de la marque : du jean sous toutes ses coutures, avec quantité de points de suture, comme si les griffes d’une bête sauvage, dont les ronflements constituaient la bande sonore, avaient lacéré une pile de denim.

On trouve beaucoup plus de douceur chez Fendi, à l’instar du look inaugural incarné par le mannequin star Bella Hadid, dont la robe à fines bretelles en mousseline transparente flotte autour de la peau. La couleur poudrée du voile souligne la nudité et contraste avec le carmin et le vert d’eau, présents par petites touches. Cette délicatesse de boudoir tranche avec l’allure conquérante qu’a développée Kim Jones depuis son arrivée à la tête de la maison, en 2020.

Le designer anglais a cette fois puisé son inspiration dans les archives, en se concentrant sur deux collections de Karl Lagerfeld : celle du printemps-été 1986, très vaporeuse, et celle de l’automne-hiver 2000-2001, inspirée du mouvement Memphis, dont les motifs géométriques se retrouvent sur des blouses fluides. Il en résulte une garde-robe élégante, où des tailleurs marine bien coupés rencontrent des jupes crayon gris perle, et où les corsets apparents répondent à la sensualité de longs gants en maille.

De gaine il est aussi question chez N° 21. Le créateur napolitain Alessandro Dell’Acqua retravaille ainsi le costume, mais en lui donnant « un twist sexy et ultra-féminin, remodelant presque sa forme en un corset ». Les vestes aux épaules larges sont cintrées à l’extrême, les jupes fendues jusqu’à l’aine. La maille – transparente, déchirée – est aussi travaillée de manière à faire ressortir le corps, et cela vaut pour les quelques hommes qui se baladent sur ce podium – eux toutefois exempts d’escarpins.

Un vestiaire où la peau a toute sa place

Du côté de Sportmax, on flirte avec les codes esthétiques du fétichisme. La marque jeune du groupe Max Mara fantasme, avec succès, une femme intimidante en manteau d’officier marine aux épaules larges, chemise boutonnée jusqu’au cou, cravate en cuir, bottes vernies incandescentes ; une vamp dans une robe noire fendue jusqu’au cœur ; une belle de jour en tailleur trop moulant pour être formel… plutôt affriolant.

Pour Dolce & Gabbana, le ton est donné dès l’invitation au défilé : un porte-jarretelles noir en dentelle accompagné d’une paire de collants « ligotée » aux talons coupés. Un avant-goût de ce qui se jouera sur le podium : une scène encadrée d’écrans diffusant un univers virtuel dont raffole la génération Z, cible plus que jamais actuelle de la marque. On y voit une ville futuriste dont les buildings sont habillés du logo de la maison. La collection, rythmée par la musique du rappeur américain Machine Gun Kelly – invité d’honneur de la collection masculine présentée en janvier –, est quant à elle évidemment sexy.

Les robes et les manteaux noirs ajourés dévoilent de la lingerie fine, les combinaisons de seconde peau s’accompagnent de leggings colorés et de lunettes de soleil, tandis que des vestes et des manteaux aux couleurs fortes, rose, jaune ou orange, dessinent une silhouette conquérante. « L’héroïne de cette saison est sexy ! », conclut le duo. Message bien reçu.

Même Jil Sander, label pourtant connu pour sa sobriété, a présenté un vestiaire où la peau a toute sa place – d’une façon certes moins frontale et plus conceptuelle que certains de ses pairs. Le duo et couple Lucie et Luke Meier, chargé des collections depuis 2017, a proposé des vestes de tailleur aux hanches accentuées décrivant des décolletés profonds, des robes du soir donnant à voir la ligne du dos ainsi que des minijupes et des courtes robes sanglées soulignant la silhouette. La palette de couleurs, sobre et élégante, souligne le côté cocon d’une garde-robe que l’on imagine confortable, à la sensualité parfaitement dosée.

LE MONDE, Elvire Von Bardeleben, Maud Gabrielson, 2 mars 2022