Skip links

Porter des talons hauts au travail, force ou faiblesse ?

Les escarpins peuvent sembler un outil efficace pour avoir du charisme et se faire respecter. Mais les conventions sont en train de changer. 

Cette idée selon laquelle une femme active doit porter des talons est purement culturelle.

Les femmes le savent, elles sont en permanence jugées sur leur apparence. Et la sphère professionnelle n’y échappe pas. D’après Sreedhari Desai, professeure en comportement organisationnel à la Kenan-Flagler Business School, ce principe s’applique même aux chaussures.

 C’est un trou de serrure à travers lequel nous pouvons examiner la question de l’inégalité entre les sexes », affirme-t-elle. Dans certaines professions, un dress code est imposé, ou lourdement conseillé, aux employés. Pour les femmes, il est parfois plus contraignant,
comme lorsqu’il inclut le port de chaussures à talons.

Cette idée selon laquelle une femme active doit porter des talons est purement culturelle. Pour certaines personnes, les escarpins sont des outils efficaces afin de gravir les échelons, avoir un certain charisme et se faire respecter. Pour d’autres, cette obligation n’est rien d’autre qu’une énième objectification de la femme. Dans certains pays, les règles sur le sujet sont très strictes : au Japon, en Israël ou au Royaume-Uni, si vous refusez de porter des talons alors que votre employeur vous le demande, il est en droit de vous renvoyer.

Ballerines ou escarpins ?

Pour répondre à la question « Les talons hauts aident-ils ou pénalisent-ils les femmes au travail ? », Sreedhari Desai et son équipe ont mené une série d’études. Les participants ont assisté à une variété de scénarios de travail –comme une présentation, un entretien pour un emploi ou une négociation– mettant en scène des femmes, avec pour seule variable le port de chaussures plates ou à talons.

À l’étonnement général, les participants –des hommes et femmes âgés de la vingtaine jusqu’à la cinquantaine– ont assuré que les femmes portant des souliers plats semblaient mieux préparées. Ces dernières ont reçu des évaluations plus élevées que leurs consœurs
à talons.

Ce constat a également été observé pour les métiers à haute responsabilité. Dans deux vidéos, les participants ont dû analyser le comportement d’une directrice de faculté. Ni son discours, ni le ton de sa voix n’a changé, juste ses chaussures. Et les réponses des 300 professionnels interrogés ont démontré une nouvelle fois que le port de chaussures plates était favorable pour sa crédibilité. D’après la scientifique comportementale Francesca Gino, l’explication résiderait dans l’évolution des normes. Aujourd’hui, une femme qui ne porte pas de talons enfreint la règle et semble donc plus puissante qu’une femme qui s’y contraint. L’ère des talons au travail n’est pas encore totalement abolie, mais on semble tout de même s’en approcher. Alors que les libertés de chacun sont à leur apogée, ne serait-il pas temps de dissocier normes physiques et compétences ?

L’ADN, Tom Kuntz, 23 mars 2022