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« Maman solo », « Parent isolé », « France Travail »… la manie de renommer fait des ravages…

Plutôt que d’apaiser, cette manie de renommer les « maux » qui nous taraudent augmente la défiance et rajoute à la dinguerie du monde.

L’autre soir, sur LCI, la candidate du Parti socialiste à la présidentielle était interrogée sur le sujet important des mères célibataires. Elle était interpellée par une citoyenne, qui témoignait elle-même ne plus parvenir à joindre les deux bouts. La candidate explique qu’elle souhaite créer une carte pour les familles monoparentales qui soit équivalente à à la carte famille nombreuse en développant les avantages à laquelle celle-ci ouvrirait droit.

« Pour l’instant, c’est la carte parent isolé, mais on pourra lui trouver un plus joli nom », a répondu la maire de Paris.

Curieuse précision. Mais aussi symptomatique des « mots » de notre époque. Au moins Hidalgo n’a-t-elle pas proposé de baptiser sa carte « maman solo », terme qu’affectionne une autre prétendante à la présidentielle, Valérie Pécresse.

« Maman solo » : un terme à mi-chemin entre la comptine pour enfant et le développement personnel. Une curieuse façon d’évoquer un phénomène social majeur.

Sur la question lexicale, je crois que les choses ont vraiment commencé à se dégrader quand, au début des années 2 000, c’était sous Jospin, on a remplacé les « plans sociaux » par les
« plans de sauvegarde de l’emploi ». Il y avait quelque chose d’orwellien dans cette négation performative de ce que le terme désignait. Quelque chose du kidnapping de la réalité par des demi-habiles, qui creusaient la défiance là où ils prétendaient apaiser. Depuis, cette manie de renommer n’a cessé de faire des ravages.

C’est pourquoi quand Emmanuel Macron a annoncé lors de sa conférence de presse que Pôle emploi allait désormais être remplacé par France Travail, l’affaire a fait grincer. Bien sûr, on a compris qu’il annonçait là plus qu’un simple changement de logo et d’appellation. Mais chaque fois, désormais, on ne peut s’empêcher de s’interroger : combien a coûté l’opération rebaptisation ? A-t-on mis de dispendieux cabinets de consulting sur le coup ?

Il y a quelque chose de « dingo » à voir des gens intelligents utiliser les mêmes recettes qui, depuis des décennies, attisent les rancœurs. Pour détourner la célèbre phrase de Camus, « renommer les choses, c’est ajouter à la dinguerie du monde ».

L’EXRESS, Anne Rosencher, 31 mars 2022