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L’île d’Aix veut réduire sa communication !

Le concept consiste à limiter l’augmentation de la demande en été plutôt que de l’encourager.

La « petite corse de l’atlantique »

la « perle de l’estuaire de la Charente », un « croissant de paradis où le temps semble être suspendu ». Les brochures touristiques de la Communauté d’agglomération Rochefort Océan ne lésinent pas sur les éloges pour décrire l’île d’Aix. C’est l’un des sites touristiques majeurs de la Charente-Maritime, au même titre que les îles de Ré et d’Oléron ou que le célèbre fort Boyard.

L’ile qui compte environ 230 habitants à l’année est victime de son succès. Évoquant une surfréquentation qui s’élève jusqu’à 8000 visiteurs par jour en été, sur un bout de terre de 3 kilomètres de long sur 600 mètres de large tout au plus, le maire, Patrick Denaud, tire la sonnette d’alarme. Pour être sûr qu’elle soit entendue, cet ancien journaliste a prononcé un mot inédit dans un département où l’économie repose principalement sur le tourisme (près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022) : «le démarketing ».

Le concept consiste à limiter l’augmentation de la demande plutôt que de l’encourager.

Le parc national des Calanques (Bouches-du-Rhône) l’a expérimenté en 2020, en revoyant sa communication, avant de choisir, à l’été 2022, de réduire l’accès certains jours à ce joyau méditerranéen.

L’île d’Aix n’en est pas encore à instaurer une réservation obligatoire. Contrairement à Ré et Oléron, reliées au continent par un pont, les visiteurs doivent prendre l’un des bacs transbordeurs qui effectuent une liaison quotidienne depuis Fouras ou, en saison, des bateaux de croisière au départ de La Rochelle, Boyardville (Oléron) ou La Tremblade. Mais le flux touristique est devenu une source de problèmes, autant pour les élus que pour les habitants.

« L’ile n’est plus adaptée pour accueillir un tel nombre de personnes, assure Patrick Denaud. Nous ne sommes plus en capacité d’assurer la sécurité au port, où les gens se bousculent parfois pour monter ou descendre du bac, ni de gérer la quantité de déchets laissés par les visiteurs chaque jour, qui doivent être évacués par bateau. Il faut aussi entretenir les espaces naturels, les routes, car nous recevons des camions de livraison, et les sanitaires sont en nombre insuffisant. Certains endroits sont devenus des toilettes à ciel ouvert. »

Plus grave selon le maire, le réseau d’eau, qui a « plus de 30 ans », montre des signes de vétusté. En juillet dernier, en pleine canicule, l’île a été privée d’eau potable pendant près de vingt-quatre heures à cause d’une rupture de canalisation. Cela s’est reproduit quelques heures après la réparation. Par chance, il n’y a pas eu d’incendie ce jour-là. « On a aussi dû fermer en plein été notre camping, qui est dans un état déplorable », déplore le maire.

Stéphane Villain, président de Charentes Tourisme et président délégué d’ADN tourisme, la fédération nationale des organismes institutionnels touristiques, comprend la démarche aixoise. « C’est un travail que nous, acteurs du tourisme, allons devoir faire. Les parcs naturels le font depuis longtemps, certains sont devenus des sanctuaires. Ce doit être pareil avec l’ile d’Aix. Nous devons aussi revoir notre communication pour essayer de mieux diffuser les flux touristiques. C’est une tendance incontournable. » L’Île d’Aix lance en tout cas la réflexion.

Le Monde, Frédéric Zabalza, 2 janvier 2023