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La revanche de la perruque, la tendance du moment !

Les postiches s’exhibent désormais sans complexe. Sur les réseaux sociaux, dans les magazines, les clips, les séries et même dans la rue.

Dans une récente interview de Kylie Jenner parue dans le magazine de Carine Roitfeld,

«CR Fashion Book», la starlette de 25 ans apparaissait sobrement de profil au milieu de perruques colorées, les plus mémorables qu’elle ait portées lors d’apparitions publiques. Depuis plusieurs années, la benjamine du clan Kardashian a fait des postiches son nouvel accessoire fétiche, garants de looks caméléons et du succès de ses selfies acclamés par 371 millions d’abonnés sur Instagram.

En 2016, elle avait déjà très humblement fait remarquer au magazine « Marie Claire » son pouvoir d’influence en déclarant: « J’ai commencé à porter des perruques et maintenant tout le monde en met. »

En profitant de la notoriété de certaines influenceuses et célébrités, la perruque a réussi à faire un retour triomphal. Loin d’une image négative persistante en France, est-elle en train de devenir un désirable accessoire de mode ? Sur TikTok, les vidéos sous le hashtag #lacewig recensent environ 793 millions de vues.

Des tutoriels donnent aujourd’hui des conseils pour acheter sa perruque, savoir comment la poser ou l’entretenir, quand il fallait, il n’y a pas si longtemps encore, pousser la porte d’un magasin spécialisé pas très glamour. Résultat : la demande explose. Selon une étude Statista, publiée en février 2022, ce marché devrait atteindre 8,75 milliards de dollars en 2023 et culminer à 13,28 milliards de dollars en 2026.

Cabine à cheveux

Cette nouvelle folie capillaire finalement plus rentable qu’un budget mensuel chez le coiffeur a ainsi encouragé Christophe-Nicolas Biot à inaugurer l’année dernière sa « cabine à cheveux ».

Chez lui se pressent comédiennes en quête d’anonymat et working girls souhaitant rester présentables en toutes circonstances.

Dans cet espace intime de quelques mètres carrés, un service de coupe, soin et rafraîchissement est entièrement consacré aux postiches. « C’est la solution idéale pour se créer un look sans abimer son cheveu naturel, c’est pourquoi j’encourage mes clientes à choisir plusieurs modèles en fibres synthétiques (de 400 à 800 euros) plutôt qu’un seul en fibres naturelles (environ 3500 euros) », glisse-t-il avec un sourire.

 « Il y a encore quelques décennies, il y avait dans les grands magasins de nombreux stands dédiés. A l’époque, la perruque était la seule solution pour les femmes qui souhaitaient rester « présentables » entre deux rendez-vous chez le coiffeur », explique le spécialiste Christophe Nicolas Biot. Les années post-Mai-68 ont finalement libéré la tête féminine en remettant à la mode les crinières naturelles.

Le début d’une nouvelle ère

Exit les choucroutes laquées, que les professionnels du secteur ont longtemps réservées au monde du cinéma ou, plus tristement, aux femmes atteintes d’alopécie ou sous chimiothérapie. Emilie Daudin, alias emiliebrunette sur Instagram, en a fait la douloureuse expérience. Atteinte d’un cancer du sein à 33 ans, elle s’est retrouvée dans des magasins spécialisés regorgeant de modèles vieillots. « Les perruques remboursées par la Sécurité sociale sont hideuses, en plus de gratter et de tenir chaud ! Alors quitte à porter des cheveux artificiels pas très esthétiques, j’ai choisi d’acheter en ligne une perruque bleue que j’ai gardée maintenant que je suis guérie, pour me la jouer Samantha Jones. »

Impossible effectivement de ne pas faire le rapprochement avec ce personnage culte de la série « Sex and The City » qui, peu après avoir appris son cancer, rejette les postiches démodés et jette son dévolu sur un modèle rose à frange imitant l’un des looks de la rappeuse Lil’Kim.

Cette scène télévisée de 2004 aurait pu rester anodine, mais elle a marqué le début d’une nouvelle ère, comme l’explique l’ethnologue Michel Messu, auteur du livre « Un ethnologue chez le coiffeur » (éd. Fayard) :

 «Ces cinquante dernières années, la perruque a été perçue comme l’artifice compensatoire d’un défaut, comme la chute des cheveux. L’accessoire évoquait aussi bien le pouvoir que la féminité, des stéréotypes sociaux et esthétiques longtemps ancrés dans les esprits.

Mais de nos jours, la crinière d’une femme exprime une personnalité, plutôt que la simple séduction. Alors il a fallu attendre que la perruque commence à être médiatisée et régulièrement portée dans la rue, notamment par les femmes noires désireuses d’imiter les coiffures européennes pour que l’objet fasse enfin preuve d’une attention plus particulière. »

Une petite révolution

Depuis quinze ans, ses perruques bluffantes de réalisme ont coiffé Kylie Jenner, Nabilla ou la chanteuse Vitaa et reproduisent pour le grand public les looks de ces stars. Chez elle, l’accessoire a un certain prix, à partir de 600 euros mais chaque modèle se veut ultra glamour en portant le nom d’une icône. 

L’OBS, Magali Moulinet, 20 octobre 2022