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La mode d’un monde qui n’existe pas !

De nouveaux créateurs proposent à la vente des vêtements 100 % digitaux à arborer sur les réseaux sociaux. Lubie, ludique ou tendance de fond ?

Payer pour un vêtement qui n’existe pas dans la vraie vie et que l’on pourra seulement « porter » sur une photo, une lubie de quelques geeks qui ont de l’argent à gaspiller ?

Ce n’est pas l’avis de Julie, 27 ans, consommatrice de mode digitale pour qui ces vêtements répondent d’abord à un désir de singularité. « J’ai envie de m’afficher sur lnstagram avec des vêtements originaux », explique cette cliente de DressX.

Sa dernière acquisi­tion ? Une robe noire moulante en Néoprène, dotée d’un masque anti-Covid. L’idée de cette tenue lui est venue au Japon, dans un tunnel avec colonnes vermillon, où elle s’est dit qu’une robe noire serait susceptible de générer des likes … « C’est une façon ludique et innovante de créer du contenu, détaille-t-elle. J’ai abandonné ASOS, à la place, je liste les achats digitaux que je veux faire. »

Elle permet de réduire notre consommation de vêtement !

La mode virtuelle en a bénéficié, d’autant qu’elle répondrait à un enjeu majeur : réduire la surconsommation de vêtements. « On ne va pas arrêter de porter des vêtements, mais c’est une alternative innovante qui permet de repenser notre rapport à la consommation », juge Michaela Larosse, en charge de la stratégie créative chez The Fabricant, un studio de création basé à Amsterdam, qui imagine des vêtements virtuels et en propose aussi sous forme de NFT (ces jetons non fongibles qui certifient l’authenticité d’un bien numérique).

Mais que reste-t-il de l’émotion que suscite un « vrai » vêtement ? « Notre amour du vêtement est d’abord lié à des caractéristiques physiques, et le plaisir sensoriel que l’on peut éprouver avec la mode est indéniable, analyse Benjamin Simmenauer, philosophe et professeur à l’Institut français de la mode (IFM).

La mode digitale offre d’emblée le plaisir de réinventer son identité

Il s’agit là d’une aspiration aussi vieille que la mode. » Côté designers, la créativité bot son plein. « La création de vêtements numériques s’inscrit généralement dans le répertoire du jeu vidéo et dans une esthétique cyborg », reprend Simmenauer.

Gala Marija Vrbanic, 27 ans, en est un exemple. C’est sa passion pour les jeux vidéo qui a donné envie à cette Croate de travailler dans la mode. En avril 2020, elle cofonde Tribute Brand, une marque de vêtements digitaux. Pantalons, robes ou manteaux à l’aspect liquide et aux couleurs acidulées sont vendus sur le site en édition limitée.

Le compte lnstagram de Tribute regorge de photos de millennials vêtus de tenues biolumines­centes, posant telles des créatures surgies d’une autre planète. Ces pièces, dont les prix, entre 150 et 600 dollars, varient en fonction de leur complexité et du nombre d’exemplaires proposés à la vente, seraient difficilement portables dans la vraie vie. Mais pour Gala : « Un T-shirt digital simple, c’est ennuyeux. Autant s’amuser et être créatif pour s’afficher sur les réseaux ! » Selon la jeune femme, l’arrivée du métavers va sans doute conduire à démocratiser l’achat de vêtements digitaux.

Le métavers : une opportunité pour la mode digitale

Le métavers, ce monde parallèle entièrement numérique, dans lequel les utilisateurs pourront partager des expériences immersives en temps réel, et présenté comme l’Internet du futur, représente une formidable opportunité pour les acteurs de la mode.

Selon la banque Morgan Stanley, d’ici à 2030, la demande numérique devrait s’accélérer, et générer un revenu supplémentaire de 50 milliards de dollars pour le secteur. « Le métavers annonce le métaluxe, confirme tric Brionès, directeur général du « Journal du luxe ». On risque de passer encore plus de temps en ligne … Si vous êtes dans un salon virtuel avec vos amis, il va bien falloir vous habiller. »

Autant de nouvelles occasions de jouer avec notre apparence…

ELLE, Cora Delacroix, 3 décembre 2021