Skip links

La GenZ canalise son éco-anxiété en musique !

Paroles angoissantes, peinture d’une nature qui s’étiole et mélodies éthérées… L’Apocalypse pop est la bande-son de la crise climatique.

Apocalypse pop : TikTok, canicule et mégafeux

Dans Overheated (surchauffé en Français), la chanteuse américaine Billie Eilish ne parle pas vraiment du réchauffement climatique, mais peu importe. Depuis la canicule de l’été dernier, la londonienne Augusta Senenssie, 24 ans, écoute en boucle la chanson, comme elle le confie à Vox. Parmi ses morceaux favoris, il y a aussi Fire on the Mountain d’Asa, à l’atmosphère très distopiacore, avec des paroles comme : « Un jour, la rivière débordera / Et il n’y aura nulle part où aller / Et nous nous mettrons à courir, à courir / En souhaitant avoir éteint le feu. » Membre du groupe militant Earth Uprising, la jeune femme a été amenée à prendre plusieurs fois la parole aux Nations-Unies : cela ne la rend pas pour autant plus optimiste. Quand l’action militante et humour noir ne suffisent plus à endiguer le flot de pensées sombres, elle se tourne vers la musique, elle aussi imprégnée d’éco-anxiété.

« Maintenant, je suis plus âgée, et c’est absolument terrifiant, et la vie n’est pas super »

Sur TikTok, la page d’Orange de Pinegrove, un morceau écrit suite aux mégafeux californiens de 2020, sert d’exutoire à de nombreux adolescents. Ici, ils commentent leurs photos et vidéos : « espèces condamnées à l’agonie », « je suis si inquiet pour le futur de notre planète », ou encore « j’abandonne. »

« J’écoutais beaucoup de musique pop punk qui parlait de la façon dont les choses allaient s’améliorer quand je grandirai. Maintenant, je suis plus âgée, et c’est absolument terrifiant, et la vie n’est pas super », déclare Kelsie Herzog, une tiktokeuse de 25 ans qui partage ses recommandations musicales avec 130 000 abonnés. Aujourd’hui, elle écoute en boucle Colony Collapse de Snag (Extrait des paroles : « Plus j’en apprends, plus je crois que la Terre est un cadavre posé à nos pieds »). Parmi les morceaux qui encapsulent l’atmosphère de fin du monde et qui donne voix à leurs sentiments : Wasteland, Baby ! de Hozier ou encore Feels Like Summer de Childish Gambino. « Je pense que ce qu’il est important de comprendre à propos de ce sujet, c’est que la peur et le chagrin sont une réponse appropriée et légitime », rapporte Tamara Lindeman, 37, ans, chanteuse pour le groupe Weather Station.

Normal, l’été n’a pas manqué d’articles de presse indiquant qu’il ne restait plus que 12 ans avant que la planète ne soit frappée par des catastrophes en série.

Les bienfaits de l’Apocalypse pop

« Comme lorsqu’on écoute des chansons d’amour dévastatrices après avoir été largué, les jeunes se gavent de musique sur la fin du monde pour se vautrer dans leur désespoir climatique », décrit Vox. Un déferlement de désespoir pas forcément contre-productif… « L’Apocalypse pop n’est pas un cloaque d’angoisse dont les auditeurs ne peuvent jamais s’échapper », analyse le média. Elle procure un espace où les sentiments des auditeurs peuvent s’exprimer. Ceux qui l’écoutent ont le sentiment d’être compris, ce qui peut les amener à sortir de leur prostration, à regarder autour d’eux, et voir qu’ils ne sont pas seuls.

« L’antidote à nos sentiments est le même antidote à la crise climatique : la communauté, affirme Sarah Jaquette Ray, Professeur d’études environnementales et autrice de A Field Guide to Climate Anxiety. (Un guide pour lutter contre l’éco-anxiété.) Établir les types de relations dont ils auront besoin pour la résilience climatique semble alors beaucoup plus à leur portée. »

L’ADN, Laure Coromines, 28 octobre 2022