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« Ça me rappelle mes rêves qui sont pour moi un moyen de m’évader » selon une adepte du phénomène

À mi-chemin entre l’art surréaliste de Magritte, la filmographie de David Lynch et l’esthétique candide des années 2000, la tendance visuelle #dreamcore ou #weirdcore dérange autant qu’elle fascine. Sur TikTok et Reddit, elle nous téléporte dans un espace hors du temps, bien loin de la réalité du confinement, et libère la parole autour de la santé mentale.

Entre rêve et malaise

Sur TikTok où le hashtag #dreamcore cumule près de 224 000 vues, le compte français Dreamcore Experiment expliquait récemment le phénomène dans une vidéo. Son protagoniste, un personnage muni de deux paires d’yeux sur une rose blanche, semble tout droit sorti d’un tableau de Magritte. « Le dreamcore est un courant esthétique basé sur le rêve, la nostalgie et la sensation de déjà-vu » , décrypte ce dernier sur une musique électronique entêtante.

Selon le compte, qui cumule près de 4 000 abonnés, la tendance visuelle se rapproche de l’esthétique Web « Weirdcore » , connue pour ses mélanges d’éléments kitsch et étranges. Elle inclut aussi des espaces liminaux, soit des lieux de transitions (couloir, cage d’escalier, salle d’attente…) entre une destination et une autre. « Les œuvres dreamcore peuvent rappeler l’enfance ou évoquer la solitude. Elles peuvent provoquer des malaises ou des sentiments de déréalisation chez certaines personnes, mais peuvent en réconforter d’autres, cela dépend de la sensibilité et du vécu. Les vidéos dreamcore ressemblent à certains de nos rêves et prodiguent parfois une sensation de déjà-vu. »

Proche de sa communauté, le créateur du compte explique souffrir de dépression. En produisant ce type de vidéo, il tente de donner vie à ce qu’il ressent et d’apaiser son propre sentiment de déréalisation (l’impression d’être détaché de son environnement, ndlr).

Covid et nostalgie thérapeutique

Créé en avril 2020 durant le premier confinement, le subreddit r/Nostalgiacore surfe sur ces mêmes sensations et revendique une esthétique composée « de vieux trucs commerciaux des années 2000 » , peut-on lire dans la description. Une page similaire, DreamReality, cumule aussi un peu plus de 1 000 membres sur la plateforme depuis sa création en mai 2020. De quoi se risquer à établir un lien entre la pandémie, l’isolement et le besoin de se lover, même virtuellement, dans un cocon sécurisant.

Fétichisés, le passé, la mélancolie, s’entremêlent dans des créations toujours très subjectives auxquelles on peut pourtant s’identifier. En filigrane, la volonté de retrouver une innocence perdue. Les commentaires eux-mêmes se font écho de la tendance, étrange et insaisissable.  « Ça me renvoie à mon enfance, genre de la nostalgie avec une sensation étrange, mais j’adore » , commente un internaute. « C’est normal que quand j’en regarde, ça me stresse énormément ?  » , s’enquiert une autre. « J’ai l’impression d’être en sécurité, et à la fois non » , « Ça me rappelle mes rêves qui sont pour moi un moyen de m’évader » , décrit-on plus loin.

À un moment d’intense fragilité psychologique, « la nostalgie nous offre un espace pour guérir » , commente le média Varsity au sujet du phénomène, « une douceur amère » qui influence inévitablement les réseaux sociaux. La tendance n’est pas sans rappeler la communauté naissante des « shifters » sur TikTok dont la pratique consiste à se projeter dans des réalités fantasmées proches du rêve lucide ou de la méditation.

Le mot d’ordre ? S’évader coûte que coûte, même sans la possibilité de sortir de chez soi.

L’ADN, Margaux Dussert, 22 décembre 2021