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« SKISCHAM », ou la honte des vacances à la montagne !

Après la honte de prendre l’avion, l’Autriche découvre celle de skier. Un phénomène étrange lié au dérèglement climatique, qui reste tout de même un sujet tabou malgré le fait d’être en plus en plus répandu.

Les Autrichiens n’en parlent qu’à mots couverts, un peu comme “les hémorroïdes” quand ils vont se faire examiner “chez le médecin”, ose le quotidien conservateur autrichien Die Presse. En Autriche et ailleurs, les sports d’hiver sont devenus synonymes de “honte”, mais une honte bien particulière, que l’on désigne en allemand par le néologisme “Skischam”.

Au lieu de dire qu’ils sont aux sports d’hiver, les vacanciers autrichiens emploient des termes vagues. “Gros bisous de la montagne”, “Nous sommes dans un chalet” : les périphrases pullulent. “Bien sûr, on sait tout de suite de quoi il s’agit”, précise Die Presse. Mais, comme pour les hémorroïdes, on préfère que cela reste entre nous.

Comparable au “flygskam” suédois, ce sentiment de culpabilité qu’on éprouve lorsqu’on prend un gros avion polluant pour partir en vacances, la Skischam se rapporte, elle aussi, aux questions climatiques. Le néologisme est composé du mot “Ski” et de “Scham”, “un terme lui-même issu de la racine germanique ‘Skamo’, qui signifiait ‘honte’ ou ‘déshonneur’”.

Il fait donc allusion à cette “sorte de honte” que les skieurs développent lorsqu’ils pensent “au climat, aux canons à neige [et à leur empreinte sur les écosystèmes], aux bandes blanches de neige artificielle dans un paysage majoritairement vert-brun”.

Le spectre d’Ischgl

Mais les arguments écologistes contre les sports d’hiver ne sont pas les seuls à faire mouche. En Autriche, un pays pourtant très attaché à ce type d’activités, le ski n’a plus si bonne réputation depuis le fiasco d’Ischgl, en 2020. La station autrichienne avait à l’époque été l’un des premiers foyers de contamination majeurs du Covid-19 en Europe. De nombreuses plaintes collectives et individuelles contre les autorités du pays ont depuis été lancées, et la réputation des villes de haute montagne s’est considérablement détériorée.

LE MONDE, Die Presse (Vienne) 17 février 2022