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« Sauchichons », bières, vins, eaux pétillantes… L’apéro hallucinant !

Les aliments et boissons à base de cannabidiol connaissent un fort engouement, porté par une gamme de produits de plus en plus variés et sophistiqués.

Au placard, les cocktails classiques, le plateau de l’apéro accueille depuis deux ans une nouvelle molécule : le CBD. Saucissons, bières, vins, eaux pétillantes se déclinent désormais avec du cannabidiol. La gamme ne fait que commencer, car le marché se révèle déjà exponentiel.

Depuis le 19 novembre 2020, date de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui clarifie la commercialisation de cette molécule de cannabis, environ 2 500 boutiques de produits au CBD ont fait leur apparition sur tout le territoire français, aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Après les périodes stressantes de confinement dû au Covid-19, le lâcher-prise est entré dans l’air du temps.

Poussons la porte de Republik Garden, une petite épicerie d’un nouveau genre, consacrée au CBD dans le quartier de République, au cœur de Paris. Depuis sa création, le 11 décembre 2020, elle est ouverte tous les jours de la semaine, y compris le dimanche. Les quelques clients qui viennent achètent surtout du CBD pour leur vapoteuse, mais aussi des huiles au CBD. Tels sont les produits-phares du magasin, selon Boris H., l’un des cinq créateurs du concept, tous des professionnels de la musique reconvertis.

Bières, vins et autres bonbons

Côté apéro, on trouve chez eux quelques bières au CBD, comme la Turn ou La Pénard, mais aussi des vins blancs, rouges, secs ou effervescents, au CBD évidemment.

Côté sucre : chocolat, bonbons, confitures, miel, tout au CBD. « Dans peu de temps, on trouvera de tout au CBD, affirme Boris. C’est une molécule qui détend vraiment et nos clients qui souhaitent arrêter le THC se mettent à consommer le CBD. »

Traduction pour le commun des mortels qui sait encore se détendre avec une simple balade en forêt : le CBD, ou cannabidiol, est un composant du chanvre, auquel on attribue de nombreux bienfaits thérapeutiques, comme soulager le stress et l’anxiété, mais aussi la douleur – la communauté scientifique est toutefois plus réservée, dans l’attente d’essais cliniques de grande ampleur.

Des avancées récentes ont permis d’extraire cette molécule de la plante en la séparant d’une autre, le THC (tétrahydrocannabinol), psychotrope et qui peut devenir addictive. « C’est un marché en progression constante », confie Boris, qui reste vague sur l’augmentation des ventes dans sa boutique, de 20 % à 40 %.

Parmi les aliments au CBD « qui marchent bien » pour l’apéro, voici un ovni parmi d’autres : à la forme de la bouteille, à son packaging luxueux et à son prix astronomique (150 euros la bouteille en magasin comme sur le site du producteur), on croit avoir affaire à un champagne, mais il s’agit d’un vin de France pétillant, le punch rosé confectionné par Rozoy & Picot.

Des arômes naturels de cannabis dans le sauchichon

Tandis que le vendeur parisien parle de ce vin à ses clients comme d’un rosé au CBD, Clément Rozoy, créateur de ce premier vin de luxe aux arômes naturels de cannabis, explique que sa formule est plus complexe qu’un simple produit au CBD, facilement imitable : « Mes vins ont des terpènes [molécules aromatiques] qui ont des vertus organoleptiques en plus des vertus thérapeutiques. Or, il existe plusieurs milliers de variétés de cannabis qui ont chacune une signature olfactive propre. Assemblées au vin, elles offrent des recettes infinies », explique le pionnier de 36 ans qui mise sur les cépages pinot noir et chardonnay pour constituer la base de ses effervescents.

Sponsor du Festival de Cannes, il fabrique déjà 25 000 bouteilles, toutes étiquetées manuellement en Champagne, où elles sont confectionnées et estime pouvoir aller jusqu’à 100 000 dans un futur proche. « Je travaille avec un producteur champenois qui souhaite rester discret afin de ne pas compromettre son activité.

En France, il est toujours compliqué de travailler avec le cannabis, même si on n’en utilise que les terpènes. Mon truc, ce sont les arômes et comment les marier avec du vin de qualité afin d’ouvrir des champs nouveaux dans la gastronomie », explique Clément Rozoy, qui a déposé un brevet mondial sur sa manière d’introduire les terpènes dans le vin. « Il ne faut pas dénaturer la qualité du vin », ajoute celui qui n’en est qu’au début de cette aventure.

L’introduction du CBD semble la phase la plus délicate afin que le résultat ait ce goût de              « reviens-y » recherché. Fabrice Chauveau, charcutier à Larçay, en Indre-et-Loire, s’est confronté à ce problème pour la réalisation de son saucisson au CBD. « On a dû creuser notre recette pour enlever le côté amer de la plante. Du coup, on est juste à 0,3 % de chanvre par kilo. Si on en met plus, le saucisson n’est pas bon », explique-t-il. Avec son acolyte, Aurélien Bonnard, qui est à l’origine un client de sa boucherie, il a créé la marque Au cochon vert, qui produit du « sauchichon », mais aussi des rillettes et de la terrine de campagne.

Surfant sur la vague du bien-être, les eaux gazeuses au CBD emportent aussi l’adhésion. Leader en France, la marque Chilled propose plusieurs déclinaisons aromatiques sans sucre qui soulignent le CBD (20 mg par canette) : rose et poivre du Sichuan, abricot et infusion de romarin, hibiscus blanc.

Le succès a été immédiat : depuis sa création, il y a deux ans, la production approche les deux millions de canettes. En tête de peloton, il y a aussi Naka, une boisson française également née après le confinement, fin 2020, et qui se répand dans tous les points de vente spécialisés. Bientôt d’autres verront le jour, comme Baga, aux saveurs telles que pêche blanche et verveine ou mélisse-framboise que deux jeunes hommes du Sud-Ouest sont en train de mettre au point et que l’on devrait pouvoir goûter dès cet été. Le plateau de l’apéro n’a pas fini de se renouveler.

Le Monde, , Laure Gasparotto, 29 mai 2022