Skip links

Pour éviter les recours contre les permis de construire, découvrez la psychologie urbaine !

Prévoir des temps d’écoute avec les habitants avant de déposer un permis de construire permettrait de comprendre les besoins des riverains et d’éviter des recours.

La psychologie urbaine n’a pas pour objectif de stigmatiser des élus mais de faciliter la réalisation de projets.

Si on vous dit psychologie du travail, le concept est plutôt parlant. Il s’articule autour du bien être en entreprise. Mais psychologie urbaine ? Cette notion est encore méconnue. « On sait que le travail a un impact sur la psychologie mais la ville aussi. Elle contient son lot d’irritants du quotidien et est un réceptacle des problématiques de la société », assure Barbara Attia, psychologue du travail et des organisations de formation. Barbara Attia cherche à comprendre l’homme dans le but d’améliorer ses relations avec son environnement urbain et a développé Hurba, le premier cabinet de psychologie urbaine français en 2016 avant de publier le livre Psychologie Urbaine le 16 juin.

Mais qu’est-ce qui fait que l’on se sente bien dans une ville ? « La qualité des espaces publics, l’absence de vis-à-vis qui offre un sentiment d’être chez soi, de voir son intimité préservée tout en ayant des interactions sociales lorsque l’on sort de chez soi », liste Barbara Attia. Si on a le sentiment que la ville répond à nos attentes, on a envie d’y rester, d’arpenter ses rues et de se rendre chez les commerçants du quartier.

Les habitants viennent discuter de leur environnement immédiat, qui les concerne au quotidien. Les personnes les plus épanouies sont celles qui habitent dans des pavillons et qui ont ainsi leur indépendance. Les propriétaires sont également plus heureux que les locataires. De même les personnes possédant un commerce ou une entreprise dans leur ville ont de meilleurs indicateurs de qualité de vie urbaine. « Ce sont les personnes les plus intégrées dans leur quartier, on les connaît », décrypte la psychologue urbaniste. Les habitants qui font du sport dans leur quartier, sont également très épanouis tout comme ceux qui font du bénévolat.

À l’inverse, le fait de manquer de perspective, de se sentir oppressé par des bâtiments trop hauts qui nous empêche de voir le ciel entraîne un mal-être. Le risque sécuritaire est le point noir le plus cité par les habitants qui craignent pour leurs enfants par exemple.

Faciliter la réalisation des projets

Concrètement, la psychologie urbaine permet à des municipalités travaillant sur la construction de nouveaux immeubles ou sur la réhabilitation d’un quartier de recourir à des temps d’écoute afin de comprendre les besoins des riverains et les lacunes de la ville. Elles mesurent ainsi la qualité de vie urbaine par le biais de questionnaires et d’entretiens individuels ou en petits groupes avec des psychologues. « On peut se retrouver devant des freins et le fait de prendre ce temps d’écoute en amont, avant le tout premier coup de crayon, facilite la réalisation du projet, rend le discours plus entendable auprès du riverain et oriente la copie des architectes et des urbanistes», promet Barbara Attia qui assure que la psychologie urbaine diminue le nombre de levée de boucliers. « Je n’ai jamais vu de recours contre des permis de construire grâce à ce moment d’échangeMême le promoteur perd moins de temps », se réjouit-elle.

La psychologie urbaine a pour le moment été utilisée par une vingtaine de communes dont Douai, Calais, Grasse. À Marcq-en-Barœul, dans les Hauts-de-France (59), les élus souhaitaient métamorphoser le quartier de la Briqueterie avec le bailleur social Vilogia sur dix ans. Barbara Attia et son équipe ont écouté des habitants de 8 à 85 ans dans des écoles et dans des maisons de quartier afin de connaître leurs sentiments face à cette déconstruction : tristesse, colère ou envie de changement. La population était en majorité favorable à la déconstruction de ces grandes tours et de leurs 300 logements qui rencontraient des problèmes de propreté. « Les participants ont également manifesté le désir de faciliter l’accès aux personnes à mobilité réduite, notamment au niveau des berges de la Marque», se souvient Barbara Attia. Une demande qui a rejoint le guide des recommandations urbaines transmis aux architectes et aux urbanistes du projet ainsi qu’au bailleur et aux services de la ville avant d’être intégrée dans le futur plan du quartier.

Le Figaro, Marine Richard, 6 juin 2022