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Aesthetic : Mais qu’est-ce que c’est vraiment ?

Ces codes visuels sont une manière de construire son identité et d’affirmer sa personnalité.

Soft Girl, Vaporwave, Plant Mom… Derrière ces noms de code parfois nébuleux se cachent des aesthetics parmi les plus en vogue du moment. Une aesthetic ? Dérivé du grec ancien, ce mot désigne à l’origine l’étude de ce qui est beau, agréable et de ce qui fait sens. Aujourd’hui, ce terme renvoie tout à la fois à un type de décoration, un style musical et vestimentaire, un courant littéraire.

Une aesthetic rassemble en communauté celles et ceux qui se retrouvent dans certains codes visuels et artistiques et adoptent ainsi un style de vie qui s’y réfère. Il y en a pour tous les goûts : Dark Academia si vous êtes fasciné par le savoir et l’apprentissage, notamment des sciences humaines, que vous aimez les bibliothèques poussiéreuses, l’automne et les campus prestigieux façon Le cercle des poètes disparus ; si vous préférez les strass et l’ambiance Old Hollywood, alors vous devriez plutôt vous tourner vers la Glam Aesthetic; enfin, pour les amoureux de couleurs neutres et de compositions épurées, l’aesthetic Minimalist est tout indiquée.

Un phénomène de niche ?

Sur TikTok ou Instagram, on compte ainsi des dizaines d’influenceurs et influenceuses pour chaque aesthetic, qui totalisent des millions d’abonnés. À l’ère des réseaux sociaux, revendiquer une aesthetic est un moyen de cultiver son personal branding et de construire son identité visuelle. « Les aesthetics sont une manière pour les jeunes, puisque c’est essentiellement pratiqué par la génération Z ou les très jeunes millennials, d’affirmer sa personnalité et son individualité », observe Emmanuelle Patry, spécialiste des réseaux sociaux.

De l’aesthetic Poolcore, qui rassemble les fans de piscines, au Cartelcore, qui se concentre sur l’ambiance « néons fluos-armes à feux-nuits tropicales » (pensez Miami Vice, Narcos ou Scarface), jusqu’à la très spéciale Cleancore aesthetic qui s’adresse aux adeptes de savons, d’éponges et d’espace stérilisés ou venant d’être nettoyés, la liste est interminable et de nombreux sites servent de glossaire pour les répertorier toutes et ne pas perdre le fil entre les différents sous-genres.

Pour les indécis, plusieurs tests de personnalité et autres portraits chinois servent à trouver sa propre identité visuelle en quelques clics. Il ne faut toutefois pas considérer les aesthetics comme de simples tendances : « Certaines sont de véritables sous-cultures qui sont là pour rester, comme le furent avant elles le mouvement gothique ou le style skater qui sont aujourd’hui bien installés. Il est très probable que la plupart des aesthetics se structurent et deviennent de véritables courants dans le monde virtuel, mais aussi dans le monde réel, surtout dans notre société de l’image où la vidéo et la photo tiennent une place si importante. »

Devant l’engouement suscité par les différentes aesthetics, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que les grandes enseignes de la mode ou de la décoration s’emparent de la tendance, du Cottagecore au Mermaidcore, en passant par l’Aesthetic Queer. Pour Emmanuelle Patry, il s’agit là d’une nouvelle manière de créer et de diffuser les tendances : « Avant, les modes étaient dictées de manière très descendante, avec un bureau de style, une marque ou un créateur qui imposait sa vision. Certes, on entendait déjà que l’inspiration leur venait de la rue ou de l’air du temps, mais on était tout de même dans quelque chose de très vertical. » 

Aujourd’hui, la rue est sur les réseaux sociaux et l’air du temps est accessible en quelques clics sur Instagram ou TikTok. D’une verticalité très rigide, nous sommes passés à une horizontalité qui reflète mieux la multitude de styles, d’envies, de cultures. « C’est le jeu des vases communicants, note Emmanuelle Patry. Les aesthetics des réseaux influencent autant qu’elles se nourrissent des défilés de haute couture, des films et séries, de la littérature, des tendances de décoration… Tout en étant un phénomène très numérique puisque né sur les réseaux sociaux, les aesthetics sont au fond une manière de jeter un pont entre le monde réel et le monde virtuel. »

 

Slate, Audrey Renault, 12 octobre 2021