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Leurs loisirs tournent aujourd’hui autour du tricot, de la poterie, de la pêche !

Pour se divertir, la GenZ louche chez Papi et Mamie. Et ce n’est pas près de s’arrêter.

Ils ont remplacé TikTok par les puzzles, les raves par l’observation des oiseaux, le shopping par la pêche à la ligne et le tricot. En cause : une envie d’authenticité, de décélération et de reconnexion à la nature qui pousse la génération Z à s’essayer à de nouvelles activités, notamment celles prisées par nos grands-parents. Ce n’est pas une coïncidence si le style de cet été 2022 a été « Costal Grandmother » …

Connaissez-vous le JOMO, Joy Of Missing Out ?

Avant la crise sanitaire, la Génération Z était une génération préférant les activités en intérieur plutôt qu’en extérieur. En effet, plus de 53 % d’entre eux privilégiaient le visionnage d’une série ou un jeu vidéo en simultané plutôt qu’une soirée en boîte de nuit ou dans un bar.

« On pensait que le confinement serait très propice à la génération Z, habituée à vivre en ligne. En réalité, elle s’est sentie très isolée derrière les écrans. Cela lui a fait prendre conscience de la nécessité de sociabiliser « dans la vraie vie » dans un corps à corps », souligne Elisabeth Soulié, coach et anthropologue diplômée de l’EHESS. Dans son ouvrage, de plus en plus de jeunes lui ont ainsi confié être prêts à abandonner leur téléphone lorsqu’ils sont avec leurs amis ou dans certains lieux. Pourquoi ? Pour pouvoir « être complètement présent. »

Une étude du média diplomeo-BDM publiée en janvier 2022 montre qu’en 2020, 42 % des Z ont estimé ne pouvoir se passer une demi-journée de leur téléphone et réseaux sociaux, contre seulement 12% aujourd’hui. À l’inverse, 30 % d’entre eux déclarent désormais pouvoir décrocher pendant des semaines quand 14 % affirment être en mesure de renoncer à vie à leurs réseaux.

Ce n’est pas anodin, car c’est l’espace le plus mangeur de temps de cette génération, espace où elle développe ses relations et créé ses identités numériques et où elle vit de manière nomade, tribale et affective. Mais le confinement a provoqué un effet de saturation.

Nomophobie (dépendance à son téléphone) et FOMO (peur de sortir) seraient donc en train de s’amenuiser pour être remplacés quasi définitivement par le JOMO, pour Joy Of Missing Out, ou la satisfaction que l’on retire à s’extraire un temps de la vie sociale, notamment celle que l’on mène en ligne.

Le retour des choses simples…

Ce besoin de simplicité est de plus en plus convié chez les jeunes. Ils apprécient de plus rester chez eux en mode hors ligne, pour arroser leurs plantes en pot ou faire de la poterie (5,8 milliards de vues pour le #ceramics) et du tricot.

De multiples activités manuelles sont redevenues tendance avec une certaine touche de modernité dans le traitement. Le retour de la couture est lié à la tendance vintage, le jardinage aux lives surveillant la bonne évolution de plantes (107 millions de vues pour le #jardinage sur TikTok).

Ces activités artisanales permettent d’échapper à l’insignifiance du monde virtuel, poursuit Nina Rolin. À la recherche de la possibilité d’avoir un impact concret durant le confinement, cette génération a choisi d’apprendre une nouvelle compétence, de l’utiliser pour réparer, apprendre ou bâtir quelque chose.

Seuls ensembles

La génération Z a fait le pari du relationnel et du collectif. Il y a risque d’une forme de dissolution du « je » dans le « nous », de confusion entre le soi et l’autre.

Il y a aujourd’hui un besoin de se retrouver, d’être à l’écoute de soi et de ce que l’on ressent profondément, de se reconnecter à soi de manière plus authentique, dans la solitude de son soi. Cela nécessite un temps long et du silence. C’est nouveau : j’ai l’impression d’assister à un rééquilibrage dans des plaisirs plus sobres, simples, non factices…

Mais les nouveaux loisirs des Z ne se déroulent pas que dans la maison. Nombre de jeunes me racontent faire les Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. En écho avec l’éco-anxiété et une forme d’angoisse existentielle très prégnante chez cette génération.

Conscients aujourd’hui que le vivant et l’humanité sont menacés et donc mortels, ils recherchent la manière de vivre autrement le temps qui nous est donné », rapporte l’anthropologue. Un avis partagé par Nina Rolin : « La pandémie a imposé une pause dans cette course effrénée à la surproductivité et a permis une mise en point. »

Se reconnecter avec la nature

Elle note également que de plus en plus de jeunes se tournent vers la méditation et vers les activités en extérieur comme l’observation des oiseaux. Rien d’étonnant, ce sont des instants de ré-émerveillement par rapport à la nature, à un vivant en passe de disparaître, un moment sans efficacité, qui ne produit pas quelque chose, dans lequel il s’agit de se défaire de la pression d’un temps sans durée, rythmée par l’urgence.

La génération Z recherche des espaces-temps dédiés au laisser-faire et à la rencontre avec ce qui se manifeste et s’agite devant elle, ici et maintenant. Par rapport à la génération X, qui n’avait qu’à supporter la pression au travail et qui du coup la supportait mieux, la génération Z subit en plus une pression spatiale et temporelle.

L’ADN, Laure Coromines, 8 septembre 2022