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Les différentes raisons pour lesquelles la viande végétale fait flop

Licenciements, scandale sanitaire, effondrement en Bourse. Beyond Meat, star de l’agroalimentaire végane, fait face à un retour de bâton.

La licorne a perdu sa corne

Élevage intensif, maltraitance animale, émissions de CO2. Autant de problématiques qui imposent de changer nos façons de consommer. Alors quand Beyond Meat a débarqué en 2019 avec un nouveau concept ( « faire de la viande sans animaux » ), autant dire que l’accueil a été plus que positif.

Le steak 100 % végétal a rapidement séduit :

  • les véganes,
  • les investisseurs,
  • les amateurs de viandes.

Valorisée en Bourse à 14,6 milliards de dollars, l’entreprise faisait alors figure de licorne.

Mais depuis, comme le dit le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung : « la licorne a perdu sa corne », et l’entreprise n’est plus valorisée qu’à 846 millions de dollars.

Rien qu’au trimestre dernier, le chiffre d’affaires de Beyond Meat s’est effondré de 22,5 %. L’entreprise a bien essayé de relancer la demande en cassant ses prix, sans succès, les ventes ont malgré tout chuté de 13 %. Des chiffres qualifiés de « décevants » par Ethan Brown, le PDG. C’est peu dire quand on sait que l’entreprise accuse une perte de 101,7 millions de dollars.

« Effet margarine »

Installée sur un marché de niche avec ses ersatz de viandes, Beyond Meat s’adresse à des consommateurs qui n’entendent pas changer leurs habitudes mais sont à la recherche d’alternatives au régime carné. Si dans un premier temps la curiosité pour le simili-carné a fait exploser la demande, l’effet de mode passé, le marché de niche peine à se transformer en marché de masse. Selon une étude parue dans Nature, les ventes des substituts de viande d’origine végétale ont chuté de plus de 10 % au cours des douze derniers mois aux États-Unis, après un an de stagnation. La consommation de viande, quant à elle, reste stable.

Dans son ascension vers nos assiettes, la startup végane rencontre un deuxième obstacle : ce que les Américains appellent l’ « effet margarine ».

Longtemps vantée pour ses bienfaits santé, cette alternative au beurre s’est finalement révélée très riche en acides gras saturés, responsables entre autres de l’augmentation du mauvais cholestérol. Les viandes végétales surfant sur l’argument santé suivraient un parcours identique.

Avec leur liste d’une vingtaine d’ingrédients, les steaks et autres saucisses végétales qui imitent le goût, la couleur et la texture de la viande se retrouvent ainsi dans la catégorie des aliments ultra-transformés. On se retrouve donc avec de la fausse viande riche en gras saturé et en sodium, vendue à prix d’or.

Faire un geste pour la planète, OK, mais pas à n’importe quel prix

Ce qui nous amène à la troisième difficulté : le prix.

Même si pour faire face à la chute de ses ventes et à l’inflation Beyond Meat a revu sa politique tarifaire à la baisse (au sommet de leur gloire, les viandes végétales coûtaient 60 % plus cher que leurs équivalentes carnées), ses produits restent réservés à des consommateurs jouissant d’un pouvoir d’achat élevé. Un véritable frein pour la marque comme l’explique Ethan Brown : « Nous ressentons une certaine pression, car les consommateurs sont à la recherche de produits protéinés bon marché, y compris d’origine animale ».

Avec autant d’obstacles à franchir, la Foodtech peine à trouver son modèle économique. Face à ces difficultés, elle a annoncé son intention de licencier 20 % de ses effectifs, soit 200 employés et d’abandonner les expérimentations pour se recentrer sur ses produits les plus rentables. « Nous devons ajuster la taille de nos équipes pour surmonter la crise économique qui frappe le monde entier », s’est justifié le PDG.

Crise dont la startup ne voit pas le bout puisque McDonald’s vient de mettre fin à leur partenariat, en renonçant à proposer le McPlant, son burger veggie, faute de succès. Et comme les « emmerdes, ça vole toujours en escadrille », l’entreprise se retrouve au cœur d’une enquête sanitaire qui pourrait lui coûter gros. 

Le marché veggie n’est pas mort

Ces difficultés seraient-elles annonciatrices de problèmes plus profonds dans l’industrie de la viande produite à base de plantes ? John Baumgartner, analyste des aliments de consommation à l’institution financière Mizuho Americas, se veut optimiste : « Nous sommes positifs quant à l’avenir de la viande végétale, mais c’est une histoire de 20 à 25 ans », a-t-il déclaré.

Un optimisme à la mesure de l’attractivité grandissante du marché végane. Selon un rapport de Bloomberg intitulé Plant-Based Foods Poised for Explosive Growth (L’alimentation végétale est sur le point de connaître une croissance explosive), la croissance du marché des produits véganes devrait atteindre 162 milliards d’ici 2030, soit 5 fois plus qu’en 2020 (29,4 milliards).

Dans sa newsletter Zapping Foodtech, Matthieu Vincent, fondateur de la société de veille et de conseil Digital Foodlab estime que le backlash qui vise Beyond Meat ne signe pas pour autant la fin de l’entreprise. Pour lui, les simili-carne ont passé la phase d’excitation générale, et entrent dans la phase plus complexe de la désillusion (si l’on suit les étapes de la courbe de l’innovation de Gartner).

Par ailleurs, Beyond Meat est loin d’être l’unique réponse à une alimentation sans viande. Des entreprises essaient de concurrencer la première génération de marques véganes avec de nouveaux procédés et technologies. Certains comme La Vie tentent de jouer la carte de la transparence, réduisent le nombre d’ingrédients et font un effort sur le prix. D’autres cultivent des protéines alternatives notamment grâce à des procédés de fermentation comme la française Bon Vivant, ou de la culture de cellules souches comme Mosa Meat.

Leur but : reproduire l’exact goût des produits issus d’animaux sans passer par l’élevage.

L’ADN, Peggy Baron, 9 février 2023