Skip links

Les plombs de chasse exposent les consommateurs de gibier à des effets nocifs !

La chasse, le tir sportif et la pêche sont responsables d’une part importante de la contamination de l’environnement par ce métal lourd. Il générerait une baisse des capacités cognitives et des comportements violents.

Les consommateurs de gibier sont exposés à des quantités de plomb insoupçonnées, susceptibles de présenter un risque sanitaire. Des travaux publiés lundi 22 août dans la revue PLOS One détaillent, pour la première fois, la présence de microfragments de munitions retrouvées sur le gibier à plume. « Les plombs de chasse se fragmentent souvent à l’impact dans le corps, laissant dans la viande de petites particules de plomb difficiles à détecter et à éliminer par les consommateurs », écrivent le biologiste Rhys Green, professeur à l’université de Cambridge (Royaume-Uni), et ses coauteurs, rappelant que « l’exposition chronique à des niveaux de plomb, même faibles, est associée à des effets négatifs sur la santé ». Les personnes les plus vulnérables sont les enfants et les femmes enceintes.

Les chercheurs britanniques ont passé huit carcasses de faisans aux rayons X et ont identifié dans chacune, en moyenne, une quarantaine de morceaux de diamètres inférieurs à 2 mm. La résolution de leur instrument ayant limité la détection aux fragments supérieurs à 0,07 mm, les auteurs n’excluent pas qu’un plus grand nombre ait pu être observé. En outre, la dispersion de ces fragments dans les carcasses se fait à distance des plaies infligées à l’animal par les munitions. Cela rend difficile, pour l’amateur de venaison, « de les éliminer sans perdre une grande partie de la viande autrement utilisable ».

En ne considérant que les débris plus petits qu’un millimètre, les plus susceptibles d’être ingérés, les auteurs estiment qu’en moyenne chaque faisan contient 3,4 milligrammes de plomb pouvant être absorbés par le consommateur. Une évaluation qui semble peu inquiétante, mais qui excède pourtant de très loin les valeurs tolérées en Europe dans la viande d’élevage, l’équivalent 25 microgrammes de plomb pour une portion de 250 grammes.

« Jusqu’à il y a une douzaine d’années, les autorités de santé publique pensaient qu’il existait un niveau de plomb sans danger dans l’alimentation, explique M. Green. Mais de nouvelles études, notamment celles concernant les effets du plomb sur l’intelligence des jeunes enfants, les ont fait changer d’avis. Désormais, les autorités sanitaires affirment qu’il n’existe pas de seuil de sûreté. » Les risques identifiés par les auteurs portent moins sur la population générale exposée au plomb par bien d’autres sources (vieilles peintures, habitats insalubres, canalisations, etc.) que sur les consommateurs réguliers de gibier. Ceux-ci seraient environ 5 millions de personnes dans l’Union européenne et au Royaume-Uni, et en consommeraient au moins une fois par semaine, selon les auteurs de l’étude.

Forte baisse des capacités cognitives

Avec les données disponibles à l’époque, portant surtout sur le grand gibier (sanglier, cerf, etc.), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) estimait, dans une expertise rendue en 2018, que les personnes en mangeant seulement deux fois par mois risquaient déjà une surexposition au plomb. L’Anses recommandait alors de limiter sa consommation de grand gibier à une fréquence occasionnelle, de l’ordre de trois fois par an. L’agence appelait aussi « les femmes en âge de procréer et les enfants d’éviter toute consommation de grand gibier sauvage, compte tenu des effets nocifs du plomb observés durant la période de développement fœto-embryonnaire et au cours de l’enfance ».

Les dégâts sanitaires causés par le plomb sont considérables, y compris dans la population générale, ce métal lourd étant hautement toxique pour le système cardio-vasculaire, les reins, le système nerveux central… En 2018, une étude conduite par Bruce Lanphear (Simon Fraser University, Vancouver, Canada) et publiée dans The Lancet Public Health suggérait qu’aux Etats-Unis un décès sur six, soit environ 400 000 morts par an, était associé à l’exposition à bas bruit de la population au plomb. L’un des effets les plus significatifs est celui sur la construction cérébrale du fœtus et des jeunes enfants : le plomb fait baisser fortement les capacités cognitives et, aussi surprenant que cela paraisse, prédisposerait à des comportements violents plus tard dans la vie. Un grand nombre de données scientifiques convergent en ce sens.

La chasse, le tir sportif et la pêche sont aujourd’hui responsables d’une part importante de la contamination de l’environnement par ce métal lourd. Ces trois activités en rejettent dans la nature plus de 40 000 tonnes par an dans l’Union européenne, selon les chiffres de l’Agence européenne des produits chimiques. A partir de ces chiffres et en première estimation, la chasse disperserait, à elle seule, en France, de 7 000 à 8 000 tonnes de plomb chaque année dans la nature. La Commission européenne devrait proposer la fin des munitions plombées en 2023.

Le Monde, Stéphane Foucart, 25 août 2022