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Les nouveaux snobismes food de l’été

Même l’assiette a ses modes et ses tendances. D’abord adoptés par les initiés, ces plats et ingrédients commencent à s’installer dans le paysage culinaire français. Tour de table.

LA PAVLOVA, LE NOUVEAU CHEESECAKE

Généralement réalisé à partir du fameux cream cheese Philadelphia, ce gâteau apporté aux Etats-Unis par la vague de migrants d’Europe de l’Est a connu un vif succès chez nous. Notamment grâce à la dextérité de Rachel Moeller (Rachel’s Cakes), surnommée « la reine des cheesecakes ». Mais aussi parce qu’au pays de la pâtisserie, réputé difficile, on accueille d’autant plus facilement ces gâteaux qu’ils sont… inratables. C’est la même raison qui voit l’arrivée de la pavlova sur le devant de la scène.

Créé selon la légende par un jeune pâtissier fou d’amour pour une danseuse, il est composé d’une base de meringue, de crème chantilly et de fruits frais, généralement des fraises et des framboises. Et le tour est joué. Pour les novices effrayés par la confection de la meringue, on en trouve aujourd’hui des disques prêts à garnir.

LE SARRASIN, LE NOUVEAU QUINOA

Après avoir nourri pendant des millénaires les paysans des hauts plateaux andins, le quinoa a débarqué chez les citadins européens dans les années 2010, avant de se faire élire « plante de l’année » par l’ONU en 2013. On s’est emballé pour cette petite graine sans gluten, qui pousse désormais en Anjou. Jusqu’à ce qu’elle devienne un objet de moquerie et symbolise le bobo, forcément « bouffeur » de quinoa. Remplacée un temps par le petit épeautre – cette graine qui donne « une pêche d’enfer » à Mélenchon -, elle a laissé place au sarrasin. Sans gluten aussi, mais avec un goût plus prononcé, la petite graine qui monte se déguste grillée (kasha) ou torréfiée, en condiment, ou en accompagnement d’une viande ou d’un poisson.

LE HALLOUMI, LA NOUVELLE FETA

Avec la feta, on était déjà allé un peu plus loin que la salade grecque. On avait appris à faire des feuilletés avec de la pâte filo ; à déposer une tranche sur un lit de légumes d’été, un trait d’huile d’olive, et de la laisser rôtir au four (le « it » de l’été 2020 sur TikTok). Mais ce fromage de lait de brebis caillé en saumure partage aujourd’hui la vedette avec un nouveau venu, qui d’apparence lui ressemble beaucoup : le halloumi.

Originaire de Chypre, ce fromage qui mélange traditionnellement lait de brebis et de chèvre a ceci de particulier qu’il grille, mais ne fond pas. Idéal donc pour les barbecues ; et délicieux avec des côtes d’agneau grillées.

L’AIL DES OURS, LE NOUVEAU BASILIC

Star de l’été, le basilic, cette herbe au parfum puissant d’origine indienne, accompagne l’inoxydable « tomates-mozza » et les pestos des grandes tablées. Mais il est, ces derniers temps, concurrencé par une plante sauvage aux longues feuilles vertes, rappelant celles du muguet. L’ail des ours doit son nom aux ours des montagnes, qui en font leur premier repas en sortant de leur caverne, après leur longue hibernation. La plante au goût aillé (donc) arrive dans les sous-bois au printemps – en même temps que l’asperge, qu’elle nappera par exemple en se transformant en sauce acidulée.

LE VITELLO TONNATO, LE NOUVEAU CARPACCIO

L’histoire est connue : le carpaccio, qui se déguste principalement sur les terrasses en été, aurait été inventé par Giuseppe Cipriani, le chef du Harry’s Bar à Venise, pour une comtesse qui ne pouvait pas manger de viande cuite. Soit des tranches de viande de bœuf crues, assaisonnées de citron, d’huile d’olive et parsemées de copeaux de parmesan. Quelques variantes plus tard, et après le règne du tataki, c’est le vitello tonnato qui fait les beaux jours des restos tendances.

Le plat d’origine piémontaise se compose de tranches de veau cuites, servies froides, nappé d’un genre de mayonnaise au thon et anchois, agrémenté de câpres. On aime beaucoup celui de Simone Tondo chez Racines.

LE GUANCIALE, LE NOUVEAU LARD

Vous avez à peine intégré le fait que, jamais ô grand jamais, on ne met de crème fraîche dans la carbonara, et voilà qu’il va falloir remplacer les lardons par un mystérieux guanciale… Il s’agit de la partie prélevée sur la joue (« guancia ») du porc, qui se différencie du lard (qui, lui, se situe sur le dos du cochon) par un goût plus intense et un gras parfumé. Délicatesse suprême, le guanciale n’est pas facile à trouver, et se déniche dans les épiceries italiennes, comme RAP (Paris-9e). Quant à la recette, elle s’est glissée dans le livre du chef Simone Zanoni. On remarquera que la version originelle mentionne l’ajout de pecorino … le nouveau parmesan.

LE LILLET, LE NOUVEAU SPRITZ

Après avoir régné en maître sur l’apéro, l’Apérol et son incontournable Spritz commencent à être challengés par d’autres spiritueux (au moins sous nos latitudes). Surfant sur la grande tendance vintage, un alcool bordelais (re )commence à faire parler de lui : le Lillet.

Inventé il y a tout juste cent-cinquante ans dans la région bordelaise, cet apéritif à base de vin et de liqueurs de fruits est en plein retour de hype – et s’imposera cet été sur les cartes des terrasses et des beach bars. Disponible en blanc, rouge ou rosé, le Lillet s’allonge d’une rasade de tonic et s’accompagne d’une tranche d’orange, de citron ou de concombre … Et se révèle, notamment dans sa version rosé, presque aussi instagramable que son concurrent italien.

LE COUTEAU, LA NOUVELLE HUÎTRE

Un petit verre de muscadet bien frais, quelques fines de claire, du pain de seigle et un peu de beurre salé … Un festin bousculé par l’arrivée d’un autre invité : le couteau. Un mollusque assez rigolo à ramasser avec les enfants les jours de grande marée. Il se repère par des petits trous dans le sable mouillé. Il suffit de déposer un peu de sel, et croyant que la mer remonte, il sort de sa cachette. Les couteaux ont aussi l’avantage d’être faciles à cuisiner : il suffit de les poêler, et d’y ajouter des herbes, de l’ail et du beurre.

L’OBS, Christel Brion, 9 juin 2022