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Les acteurs de doublage ont des soucis à se faire !

Des IA recréent des voix synthétiques plus vraies que nature.

Selon un sondage BVA de 2017, l’écrasante majorité des Français (70%) préfèrent voir les films étrangers en VF plutôt qu’en VO sous-titrée. Aux États-Unis, le chiffre est de 59% en faveur du doublage plutôt que des sous-titres. C’est dire si le doublage a un bel avenir.

Mais les acteurs qui s’occupent de cette tâche, eux, risquent bien de voir leur avenir compromis par l’arrivée de l’intelligence artificielle. Des nouvelles entreprises utilisent ainsi des algorithmes pour créer des voix synthétiques, capables non seulement de reproduire la voix de l’acteur original en version étrangère, mais aussi des pleurs, des cris, ou des rires plus vrais que nature, raconte le Wall Street Journal.

Mieux encore : ces intelligences artificielles peuvent reproduire les voix d’acteurs décédés ou ajouter des dialogues post-production. Le tout sans que le spectateur s’aperçoive du subterfuge.

Dans les prochains mois, le film d’horreur Every Time I Die, sorti en 2019 aux États-Unis, sera le premier à bénéficier de cette technologie lorsqu’il sortira en Amérique du Sud. Le public pourra ainsi entendre les acteurs américains « parler » en espagnol ou en portugais, grâce à la start-up israélienne Deephub. Cette dernière a enregistré cinq minutes de répliques de chaque acteur anglophone, pour ensuite créer de toutes pièces des dialogues en langue étrangère.

En 2020, lorsque Luke Skywalker est apparu en tant que jeune Jedi dans la série The Mandalorian (dérivée de la saga Star Wars), la voix de l’acteur avait déjà été modifiée artificiellement à l’aide d’enregistrements de Mark Hamill lorsqu’il avait 40 ans. Les sources comprenaient de vieilles séquences sonores de la trilogie originale Star Wars, une ancienne émission de radio et un livre audio de cette période, lu par Mark Hamill. Une prouesse réalisée par la startup Respeecher, basée à Kiev, en Ukraine.

Human vs machine

La technologie pourrait bien entendu être utilisée pour les dessins animés, les voix off ou les publicités, ce qui permettrait de se passer d’acteurs professionnels (une journée de doublage revient à environ 250 à 300 euros mais cela peut être beaucoup plus lorsqu’il s’agit d’acteurs célèbres).

Certains envisagent aussi de recourir à ces voix synthétiques pour modifier des discussions dans les jeux vidéo ou réécrire les dialogues plus « modernes » ou moins offensants de vieux films (par exemple des passages jugés racistes ou misogynes).

Tout cela commence à inquiéter les comédiens professionnels, qui s’insurgent de voir leur voix modifiée à leur insu. Au mois de mai, l’artiste vocale Bev Standing a ainsi intenté un procès contre TikTok affirmant que la plateforme avait utilisé une synthèse vocale de sa voix sans son consentement, qui avait ensuite été réutilisée des milliers de fois, y compris pour dire des injures.

D’autres s’inquiètent des dérives de « deep fakes », qui pourrait faire énoncer un discours complètement inventé ou absurde par un acteur réel. Entre les voix synthétiques et les avatars créés par ordinateur, le métier d’acteur est plus que jamais sur la sellette.

 

The Wall Street Journal/Slate, Céline Deluzarche, 14 novembre 2021