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L’empire des célibataires volontaires…

Affirmation d’une liberté face au poids des traditions, le célibat explose dans les grandes villes du pays. Revendiquée par les nouvelles générations, cette vie en solo génère de nouveaux business et bouscule les rapports sociaux.

L’individualisme triomphant

Si la Chine reste le pays le plus peuplé du monde, la population vieillit et le taux de natalité national continue de décliner. Conscient que le pouvoir et l’influence du pays dépendent aussi de cette puissance du nombre, le gouvernement vient de donner l’autorisation d’avoir jusqu’à trois enfants par couple … Cela ne règle pas un autre problème de taille et inédit : l’explosion du célibat. Fin 2018, le nombre des célibataires s’élevait à environ 240 millions, selon le cabinet d’études Daxue Consulting, soit 22 % des Chinois de plus de 20 ans.

Certes, la politique de l’enfant unique, en vigueur pendant des décennies, a créé un déséquilibre homme/ femme qui limite les unions. Mais ce n’est pas l’unique explication. Aujourd’hui, le mariage n’est plus un graal pour les natifs de la génération Z et les millennials chinois.

« L’individualisme s’est imposé dans notre génération, constate Johnny Tang, 29 ans, producteur dans l’audiovisuel. Les jeunes n’adhèrent plus à la coutume chinoise selon laquelle ils devraient se marier avant 22 ans et avoir des enfants juste après. Ils commencent à se rendre compte qu’ils doivent se centrer davantage sur eux-mêmes et que leur bien être personnel est plus important que de remplir la « mission de mariage » que leurs parents leur ont confiée. »

L’essor économique de la Chine transforme le pays en profondeur. À mesure que les jeunes Chinois épousent un mode de vie plus contemporain, leurs envies évoluent. C’est particulièrement le cas pour les jeunes femmes surdiplômées. Beaucoup d’entre elles deviennent des célibataires « volontaires » parce qu’elles aspirent à une meilleure qualité de vie, qu’elles associent d’abord à leur réussite professionnelle, à leur épanouissement personnel et à leurs loisirs individuels, qui occupent une place privilégiée dans leur quotidien.

L’essor du « self care »

Une véritable single economy se développe dans l’empire du Milieu, entièrement dédiée et tournée vers ces « célibattants » en quête d ‘indépendance, à la fois financière et psychologique. Le « self care » est un des concepts-clés de cette nouvelle économie, car les célibataires sont ceux qui accordent une plus grande attention à leur apparence et à leur bien-être physique, comparé aux couples. Ils dépensent donc plus d’argent en produits de beauté, en particulier des articles haut de gamme. Car cette jeune génération chinoise, si elle se révèle plus égo­centrique, a aussi dû grandir en affrontant une compétition féroce.

Le boom des applis dating

Cette single economy bouleverse aussi le secteur des applications de rencontres, car ne pas s’engager ne signifie pas zéro relation amoureuse. Miao Zhang, fondateur d’une nouvelle application, Nine : l’affirme : « En Chine, ces applis seront gang xu ! » C’est-à-dire une d’une nécessité absolue. « Aujourd’hui, les jeunes Chinois modernes et urbains ont moins de moyens et de temps pour rencon­trer des gens au-delà de leurs cercles sociaux qui se rétrécissent. » Momo et Tantan sont les deux applications les plus utilisées en Chine, avec respectivement environ 52,6 millions et 32 millions d’utilisateurs actifs par mois, selon l’institut de sondages Statista. Elles sont très populaires parmi la génération Z, qui représente 80 % de sa base d’utilisateurs. Momo, basée sur la localisation, offre aussi à ses membres un large éventail de fonc­tionnalités, telles que des discus­sions de groupe, live streaming et minijeux.

Comment tuer le temps ?

Dans une société encore largement patriarcale, Le célibat,  permet de reprendre le contrôle de sa vie. Les secteurs du tourisme, des loisirs ou de la restauration l’ont bien compris et proposent des services adaptés à ces clientes d’un nouveau genre. À Shanghai, Canton ou Pékin, des restaurants dédiés aux célibataires voient le jour pour dîner en solo, dans des box. Les femmes osent de plus en plus voyager seules aussi. « Nous proposons des forfaits spéciaux pour les célibataires, les Sanctuaires du bien-être, qui peu­vent aider le client venu seul à libérer la pression et la solitude », explique Angela Hu ang, général manager de Ban y an Tree, dans la province du Yunnan.

Madame Figaro, Caroline Boudehen, octobre 2021