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Le rosé est mort, vive le « rouger » !

Alors que les Français délaissent les rosés foncés au profit des robes translucides, ils réclament aussi des rouges légers pour l’apéro. Ne devrait-on pas tout simplement décréter que la tendance n’est ni au rouge ni au rosé, mais au « rouger » ? une sélection de 6 à découvrir…

Vous êtes à peine remis du vin orange (mais si, ce vin dont les raisins blancs macèrent comme les rouges, ce qui lui donne cette jolie couleur orangée) que, déjà, un nouveau terme vient vous écorcher les oreilles, le quoi ? Rouger : mot-valise entre rouge et léger.

Lori Haon, vigneron dans le Gard à Valliguières, utilise ce mot sans sourciller, notamment avec ses amis vignerons nature. « Au Petit Oratoire, nous avons fait du rouger de manière intuitive ! raconte-t-il. Je n’aime pas trop les rosés que je trouve souvent trop secs, trop tendus, mais j’aime boire du rouge a l’apéro, mon idée était donc de faire des rougers avec plus de matière, plus soyeux, plus souples tout en gardant le côté désaltérant d’un rosé. » Pour réussir à obtenir son rouger idéal, le vigneron effectue un pressurage direct de cépages rouges, qu’il laisse ensuite macérer avec des grappes entières de raisin blanc avant de represser le tout. Du blanc vinifié avec du rouge, ne parlerait-on pas plutôt d’un blouge (mot-valise entre blanc et rouge) ?

Quoi qu’il en soit, s’il est a priori en France interdit d’assembler du rouge et du blanc pour fabriquer des rosés (le plus souvent produits à partir de raisins rouges), de nombreuses appellations autorisent certains cépages blancs lors de la vinification. Pour ce qui est de la fabrication du rosé, deux techniques sont utilisées : le rosé de pressurage direct, où l’on presse lentement les raisins après la récolte, ce qui donne des rosés pâles comme les côtes-de-Provence. Et le rosé de saigné qui consiste à faire macérer les peaux et les jus des raisins, mais beaucoup moins longtemps que les rouges. On pense ici aux clairets, ces vins entre le rouge et le blanc, que les Bordelais exportaient déjà en Angleterre au XVIIIe siècle.

AOP VS ROUGERS ?

Les rougers seraient-ils donc tout simplement la version des vins de soif de nos ancêtres, la technique en plus ? Ce qui est sûr pour Anne-Laure Sicard, c’est que cette tendance est aussi liée à une nouvelle lignée de vigneronnes, moins conventionnelles et avides d’expérimentations. « Avec nous les lignes bougent et les couleurs changent, on ouvre un champ énorme : orange, blouge, rouger. Il n’y a pas de ségrégation, pas de discrimination. C’est comme dans l’art, conclut-elle. C’est triste de n’utiliser que les trois couleurs primaires quand on sait qu’on a plus de 1 000 nuances !»

6 ROUGERS À DÉGUSTER PAR ORDRE D’INTENSITÉ

  1. CD Diabolo freizh 2021

Vin de France, Haut Planty rosé

C’est peut-être parce qu’il est un pro du muscadet qu’Alain Couillaud propose un vin d’une telle fraîcheur. Cet assemblage de merlot, côt et cabernet franc porte bien son nom : un diabolo grenadine version adulte, avec au nez des arômes de fruits rouges gourmands, en bouche de la cerise acidulée et un léger côté clou de girofle. (12 €, cave-de-mareil.com)

  1. Babar is the Colour 2021

Vin de France, Domaine du Petit Oratoire, bio

Pour concocter ce rouger, le vigneron a pressé syrah et merlot avant de les laisser macérer sur des grappes de viognier et de presser le tout une dizaine de jours plus tard. Cela donne un rouger, d’une couleur pâle, presque grenadine, la bouche est très ample et souple, on retrouve des arômes de fruits rouges frais balancés par le côté voluptueux du viognier. (14 €, vinscheznous.com)

  1. Aunis 2020

Vin de France, Calvez-Bobinet, bio

Le pineau d’Aunis est le cépage parfait pour le rouger ! En effet, cette antique variété un peu oubliée, que l’on appelle aussi chenin noir, permet de faire des vins rouges légers, poivrés avec de la structure. Les vignerons Emeline Calvez et Sébastien Bobinet le proposent dans leur cuvée sobrement appelée Aunis : un vin rouge léger, brillant, fruité, poivré, avec une belle acidité et des tanins subtils. (18 €, domaine-bobinet.com)

  1. Château Moulin de Peyronin 2021

Bordeaux clairet, bio et biodynamie

Si les Bordelais semblent avoir oublié leur clairet au fil des siècles, ce n’est pas le cas de Véronique et Franck Terral au Château Moulin de Peyronin à Pujols, dans l’Entre-deux-Mers. Le couple produit un clairet à base de merlot, malbec et cabernet sauvignon. A l’œil, une belle robe rosé grenat, au nez, des fruits rouges éclatants, en bouche, une grande gourmandise où gras et acidité sont maîtrisés. (7,50 €, chateaumoulindepeyronin.com)

  1. Romain Le Bars 2021

Tavel, bio

Pour ce très bon millésime 2020, le vigneron a effectué une macération carbonique sur ses grenaches et cinsaults qu’il a ensuite laissés huit mois en muids et barriques, avant de les assembler avec de la syrah. On y retrouve des notes de fruits rouges et d’agrumes, une couleur soutenue et une belle structure à boire tout de suite mais qui peut aussi se conserver dans le temps. (20 €, vinscheznous.com)

  1. Là-Haut 2021

Vin de France, Mas Lasta, bio, biodynamie et méthode naturelle

Pour faire de ses syrahs des Terrasses du Larzac un petit rouger gouleyant, Anne­Laure Sicard a vendangé ses raisins tôt, avant de les presser six jours plus tard. Cela donne un vin d’un rouge pourpre, intense et brillant. En bouche, c’est léger, mais ample avec beaucoup de fraîcheur, des notes de poivre et de violette caractéristiques du terroir. Le plus rouge et intense de nos rougers ! (JO €, vins-etonnants.com)

L’OBS, Zazie Tavitian, 7 juillet 2022