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Le nouveau langage inventé par les tiktokeurs pour éviter la censure

Le langage SMS des années 2000 va-t-il laisser place à l’« Algospeak » ou l’ « algolangue » des années 2020 ?  

Certains créateurs de vidéos sont en tout cas très inventifs pour tenter de contourner les algorithmes de censure des réseaux sociaux. N’écrivez pas viol, mais vi0l, pas dépression mais depre$$ion pour passer la barrière des algorithmes de censure. En anglais, un vibromasseur devient « spicy eggplant » (une aubergine épicée), « unalive » (non-vivant) remplace le mot « death » (mort), et on trouve «   nip nop » pour « nipples » (tétons).

Ce phénomène, décrit par le Washington Post, est particulièrement visible sur TikTok. Car sur la plateforme chinoise, le contenu est principalement présenté aux utilisateurs via la section « For You », qui sélectionne les vidéos les plus adaptées aux goûts de chacun. Même si vous suivez certaines personnes, leurs vidéos n’apparaîtront pas forcément d’office lorsque vous ouvrez l’application.

Google Doc des mots interdits

Pour les créateurs de contenus, même les plus suivis, il est donc crucial d’être repéré par l’algorithme « For You ». Et celui-ci s’avère particulièrement strict. Certains sujets sont moins mis en avant voire complètement exclus : l’homophobie et la communauté LGBTQ+ en général, les règles, la grossesse, la santé mentale… Selon le Washington Post, les gros créateurs de TikTok tiendraient ainsi un Google Doc dans lequel sont répertoriés les mots soupçonnés d’être censurés par la plateforme.

Le « dollar bean »

L’« algospeak » est pratiqué par différentes communautés de la plateforme, et souvent par les personnes issues de minorités qui y ont davantage recours pour parler de l’oppression qu’elles subissent, précise le Washington Post. La communauté LGBTQ+ utilise par exemple le terme « cornotopia » pour faire référence à l’homophobie. Et pour dire « lesbian », les tiktokeurs et tiktokeuses utilisent l’orthographe « le$bian », qu’ils et elles prononcent désormais « le dollar bean » dans leurs vidéos.

Jeu du chat et de la souris

Cette stratégie est-elle efficace ? Pas toujours ! Car la plateforme finit par identifier les mots de remplacement utilisés par les créateurs de vidéos. Cela serait notamment le cas pour le mot seggs (qui remplace sexe), pointe le Washington Post.

Pour Evan Greer, directrice de Fight for the Future, une ONG qui milite pour les droits numériques, ces changements de vocabulaire montrent en tout cas que la modération par les mots agressive des plateformes ne fonctionne pas. Tenter de réguler la parole humaine à l’échelle de milliards de personnes dans des dizaines de langues différentes et lutter contre l’humour, le sarcasme et l’argot ne peut pas se faire en déclassant simplement certains mots, explique la militante au média américain.

L’ADN, Marine Protais, 14 avril 2022