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La spontanéité est-elle la clé de vacances réussies ?

Réservation à la dernière minute ou planification au cordeau, chacun a ses habitudes face au départ en vacances.

« Les voyages spontanés peuvent vous rendre plus heureux. » Voici ce qu’affirme une étude réalisée par Skyscanner en octobre 2022, sur un échantillon de 1000 personnes. Derrière la formule marketing, les arguments invoqués en faveur d’une certaine souplesse d’agenda ne manquent pas : s’ouvrir à des destinations plus inattendues, expérimenter le temps long, ressentir davantage le frisson de l’aventure, provoquer des rencontres, écouter son instinct, réduire le stress lié à l’organisation… « Avec les restrictions de déplacement, les tests PCR, les formulaires à remplir et les quarantaines, ces trois dernières années ont laissé peu de place aux décisions impulsives. Tout devait être anticipé, calculé, organisé », constate Laura Lindsay, experte en tendances pour le comparateur de vol. « Mais, depuis le début de l’année, la logique s’est fortement inversée. Côté voyage, les réservations de dernière minute ont le vent en poupe. »

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la notification d’un e-mail apparait sur l’écran. Promotion Air France «New York à partir de 400 €. » L’occasion semble trop belle quand le tarif moyen d’un aller-retour avoisine aujourd’hui plus que le double de ce prix. Mais, au-de-la de pareils « bons plans », la spontanéité du voyage peut-elle encore exister à une époque où tout semble devoir être réservé en amont, une entrée dans un musée, une randonnée dans les calanques, l’accès à des parcs nationaux…?

Pour Marie Robert, auteur et professeur de philosophie, cette notion renvoie à l’idée de            « laisser des espaces possibles pour accueillir et faire jaillir l’inconnu». Si la préparation d’un programme au cordeau empêche tout pas de côté, la spontanéité peut toutefois être organisée. « C’est tout le paradoxe. Mais une vie très disciplinée, encore plus en vacances, permet la fluidité et l’élimination de la charge mentale », explique-t-elle.

Invitation à la curiosité

Entre planification militaire et relachement libérateur, l’organisation la plus pertinente serait donc celle qui permet de laisser jaillir l’imprévu en réservant quelques heures vides ici et la, voire une journée sans aucune activité.

Programmer de ne pas avoir de programme, en somme. Avec un cadre suffisamment solide pour pouvoir en sortir. Des lors, l’invitation à la spontanéité devient une invitation à la curiosité, à l’introspection. De quoi ai-je réellement envie ?

  • Visiter un musée ?
  • Bronzer au bord de la piscine de mon hôtel ?
  • Fláner dans les ruelles ?

« Le cadre est souvent assimilé à tort à une forme de sur-charge. Mais partir à l’arrache est une lecture fausse de la spontanéité. Au lieu de regarder la beauté de ce quí nous entoure et d’être pleinement dans le moment présent, on cherche un hôtel, on vérifie des trajets, on est empéché par des contraintes logistiques et on prend des risques inutiles», observe Cassia Williamson, directrice des ventes individuelles pour Les Maisons du Voyage (groupe Figaro).

Et si l’ennemi de la spontanéité n’était pas l’organisation, mais l’accélération ? L’envie de remplir son planning, de cocher toutes les cases, d’avoir la photo incontournable à publier sur ses réseaux sociaux. Prévoir du temps vide, c’est accepter une potentielle déception. « Mais prendre le risque de la déception, c’est prendre le risque de l’émerveillement ! », s’enthousiasme la philosophe Marie Robert, en écho au concept de résonance cher au sociologue Hartmut Rosa. « La résonance, c’est quand on se met à vibrer face à un lieu, un paysage, un monument, précise Marie Robert. Elle ne se commande pas et se produit éventuellement quand on sort de la logique de la performance. Mais il faut être prêt à supporter cet « éventuellement ». »

Rien ne sert de voyager longtemps, il faut partir a point

Entre ceux qui attendent toute l’année pour s’offrir une longue coupure et ceux qui multiplient les petites escapades, qui détient la recette du vacancier heureux ? Les chercheurs de l’université de Tampere, en Finlande, ont tranché.

D’après une étude publiée dans le Journal of Happiness Studies, en mai 2022, la durée idéale de séjour se situe entre sept et onze jours. Si les effets positifs des congés se font sentir dès le premier jour sur place, il faut attendre le huitième jour pour que les vacanciers se débarrassent complètement de leurs responsabilités et du stress lié au travail et à la vie quotidienne.

Passé ce délai, les sentiments positifs commencent à diminuer, pour chuter rapidement après le onzième jour. Pour se ressourcer vraiment, il serait donc plus judicieux de prendre plusieurs semaines échelonnées sur l’année que de faire une grande coupure l’été. De quoi mettre au placard l’usuelle formule : « Il faut au moins deux semaines pour couper. » Attention, tout de même, car, si les petites échappées sont intéressantes pour réduire l’anxiété, l’étude conseille de ne pas modifier ses habitudes chronobiologiques.  Il est important de respecter son rythme, en évitant de déstructurer son sommeil avec des nuits soit très courtes, soit très longues», expliquent les scientifiques.

Il convient aussi de s’exposer le plus souvent possible aux synchroniseurs externes que sont la lumière naturelle et l’activité physique. Sans oublier de planifier un message d’absence pour ne pas se sentir obligé de consulter ses mails. Ainsi, les bienfaits pour le corps et l’esprit sont optimaux. Certainement pas une raison pour se bercer d’illusions : c’est prouvé, les effets s’évanouissent dès le premier jour de retour au travail. Mais ne pas prendre de vacances augmenterait le risque de décès prématuré, d’après l’étude.

 Le Figaro, Marine Sanclemente, 02 avril 2023