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La nouvelle star de la Silicon Valley veut nous sauver de la vieillesse !

Céline Halioua développe des médicaments révolutionnaires afin de ralentir le vieillissement des chiens et peut-être, un jour, des humains.

Lutter contre les effets de l’âge

Tous les milliardaires de la tech investissent aujourd’hui massivement dans la recherche biomédicale. Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, Elon Musk, Larry Page (Alphabet) Larry Ellison (Oracle) ou encore Peter Thiel, le fondateur de Paypal et ami de Trump cherchent à trouver la martingale qui nous donnera des décennies de vie en plus, ou nous permettra même d’être réanimés après notre trépas.

Ce n’est pourtant pas tout à fait le combat de Céline Halioua. « Je ne suis pas personnellement motivée par l’idée de vivre le plus longtemps possible », précise-t-elle. Elle cite sa mère, qui a renoncé à changer de carrière parce qu’à partir de cinquante ans, vous êtes considéré comme trop propice à des complications médicales, on ne veut plus vous embaucher.

Comment conserver la fonctionnalité que vous aviez au cours des trente premières années de votre vie, pour vivre le mieux possible dans votre troisième âge ?

C’est totalement aléatoire, car en grande partie génétique. Mais on peut désormais agir sur ces gènes », prévient-elle d’emblée. Elle fustige les transhumanistes, « immoralistes » et autres « charlatans qui promettent la vie éternelle à leurs patients en se basant sur des pseudosciences ». Loin de leurs discours prophétiques, elle préfère décrire les deux médicaments qu’elle développe.

Les grands et les petits chiens d’abord

Le premier médicament développé par la société Loyal serait destiné aux chiens de grande taille, dont l’espérance de vie est deux fois moins importante que les races plus petites. Il cible les mécanismes cellulaires supposés causer cette disparité.

Le second est un thérapeutique pour les chiens âgés de toutes tailles. Si les essais, qu’elle estime « probants pour l’instant », venaient à valider ses hypothèses, LOY-001 serait mis le marché fin 2026, et LOY-002 dès fin 2024.

 « Mener un essai clinique sur un chien est plus facile que sur l’homme », explique Céline Halioua. Et d’ajouter : « La vie plus courte de l’animal signifie qu’il ne faudra pas des décennies pour savoir si une drogue fonctionne ». Les toutous présentent également l’avantage de développer des maladies liées à l’âge, comme le cancer ou Alzheimer, similaires aux nôtres.

Mi-chercheuse et mi-entrepreneuse

Au cours de l’entretien qu’elle nous accorde, Céline Halioua entre dans des détails, s’emballe et s’arrête, regrettant d’être partie trop loin. Toute la difficulté, pour cette jeune femme à la carrière hors du commun, est de réussir aujourd’hui à mener de front deux activités difficilement conciliables. Rester, la scientifique qu’elle est. Mais aussi accepter en même temps, comme tout patron de start-up qui doit lever des fonds, de communiquer au mieux afin de convaincre les financiers, et même le grand public s’il le faut.

Elle porte un tee-shirt noir arborant son logo et s’est fait tatouer à l’arrière de son bras droit :

  • Des gueules de chien,
  • de souris,
  • un vers,

Les trois types d’animaux qu’elle observe de près depuis bientôt dix ans. Elle caresse son husky blanc Wolfie, qu’elle décrit avec humour comme le « cofondateur de Loyal ».                     « Comment cela se fait-il que lui ne puisse vivre que huit à dix ans, là où un caniche peut atteindre les dix-sept ans ? »

Un parcours en laboratoires universitaires

C’est au cours de ses études, en deuxième année de neurosciences à l’université du Texas, qu’elle a découvert l’existence de la géroscience. Une annonce propose un stage d’été dans un laboratoire de San Francisco, la Sens Foundation, dont la mission est « d’aider à construire l’industrie qui guérira les maladies du vieillissement ». Son cofondateur, Aubrey de Grey, un informaticien à la barbe de Merlin s’est fait connaître en 2003 pour avoir doublé la durée de vie d’une souris naine grâce à une intervention sur ses gènes. Elle passe ses journées à observer au microscope les cellules prélevées sur des patients décédés de tumeurs cérébrales agressives qui, comme pour la plupart des formes de cancers, deviennent plus probables avec l’âge à mesure que les changements s’accumulent dans l’ADN d’une personne.

Elle se lie d’amitié avec son propriétaire, un senior, qui lui fait découvrir la ville. Quand celui-ci tombe malade d’un cancer puis décède, elle sait qu’elle va consacrer ses recherches à lutter contre les maladies du troisième âge. En thèse à Oxford, elle étudie une thérapie génique permettant de lutter contre une certaine forme de cécité génitale.

La Silicon Valléy regorge de moyens inouïs pour financer les recherches les plus novatrices encore snobées dans le milieu universitaire. Halioua ne connaît rien aux capitaux-risques, elle écoute des centaines de podcasts pour apprendre le patois de l’industrie, s’entraîne à moins sourire pour être plus crédible. Elle commence à tweeter, attire bientôt des investissements pour des startups spécialisées dans la géroscience comme Gordian Biotechnology ou encore Fauna, qui explore la biologie de l’hibernation.

L’ADN, Yann Perreau, 15 février 2023