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Faut-il autoriser les animaux au bureau ?

Après Grenoble, Suresnes et Nice, Paris souhaite aussi autoriser ses agents à venir travailler avec leur animal de compagnie. Une décision qui en fait aboyer certains.

L’argument démocratique

Soyons clairs, le chien au bureau existe, mais il a toujours été jusque-là l’apanage du patron. Nemo, le chien des Macron, peut se soulager pendant une réunion à l’Elysée, les bergers allemands des Biden se traîner sur la moquette du bureau ovale, personne ne vient demander si c’est bien hygiénique tout ça. En revanche, quand c’est Josie de la compta qui emmène les siens, ça passe moins bien.

Autoriser les animaux pour tous est donc un progrès démocratique, l’extension d’un privilège du sommet au reste de l’entreprise.

L’argument bien-être

Une étude de 2017 affirme que la présence d’un animal entraîne une « baisse de 23 % des risques de maladie cardiovasculaire ». Une autre étude, publiée en 2012 et réalisée auprès de propriétaires de chien qui les emmènent au bureau et d’autres qui les laissent chez eux, a indiqué que les premiers avaient un niveau de stress inférieur aux seconds.

Le chien contribue à la bonne ambiance et, par ailleurs, « se prendre une avoinée par son patron quand son chien ronfle sur le siège d’à côté, ça passe mieux », assure un concerné.

L’argument efficacité pro

Le chien au bureau est le nouveau baby-foot. La preuve, dans la tech, Amazon se targue d’en accueillir 7 000 sur son campus et Google a ouvert un Café Yoshka, hommage au premier chien du groupe, mort en 2011.

Pour ces entreprises, il s’agit de faciliter les interactions et la coopération. D’ailleurs, les groupes de dooglers (« parents » de chien chez Google) sont restés en contact pendant le confinement.

A présent, autoriser les chiens au travail permettrait de faire revenir les télétravailleurs en présentiel.

Le contre-argument démocratique

Étendre cet avantage à tout le monde est administrativement impossible. Un chien sur son lieu de travail, c’est bien dans certains métiers.

Qui aurait envie de se faire opérer par un neurochirurgien qui emmènerait son chien au     bloc ? Et faudra-t-il prévoir des cantines pour chiens ? Et comment définir l’animal de compagnie acceptable ? Un lapin ? Un panda ?

Par ailleurs, le chien du dirigeant lui servant surtout à se distinguer, si tout le monde se met à en avoir, le patron ne risque-t-il pas d’être tenté de venir au bureau avec un poney ?

L’anti-argument bien-être

Les études feraient mieux de comparer le niveau de stress des propriétaires de chien qui les emmènent au bureau à celui de leurs voisins de bureau. Par ailleurs, si les propriétaires de chien sont plus heureux au travail avec Rex à leur côté, qui dit que Rex est lui plus heureux à regarder des PowerPoint assis sur la moquette de la salle de réunion qu’à folâtrer dans le jardin ?

Et si on lui demandait son avis, le chien n’aurait peut-être pas envie de se taper les bouchons ou le métro aux heures de pointe. Enfin, on ne s’est pas débarrassé de l’odeur des cendriers au bureau pour récupérer celle du chien mouillé.

Le contre-argument efficacité pro

Certes, Google a un immense campus et Amazon a transformé un toit de bâtiment en parc à chiens, mais est-ce que les chiens facilitent aussi les interactions dans des bureaux haussmanniens ou les tours de la Défense ?

Quant aux interactions, balancer une balle à Poupi dope-t-il vraiment la productivité ? Au Japon, Fujitsu, qui teste un « bureau pour chiens » expérimental depuis juillet, a installé les propriétaires à part, avec de la place pour seulement six chiens : la communication favorisée ici ne concerne-t-elle pas uniquement les chiens et leurs amis ?

Le Monde, Guillemette Faure, 20 octobre 2022