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En 2035, les Français occuperont en moyenne 2,3 emplois

Libraire à mi-temps, graphiste le soir, chauffeur Uber le week-end…une étude indique le cumul des activités, source d’épanouissement.

On pouvait s’attendre, alors que la mouvance anti-travail prend de l’ampleur, notamment aux États-Unis avec la Grande Démission, à une remise en question du travail assez radicale : mais au fait, pourquoi on bosse ? Sauf que la refonte qui s’annonce n’est pas forcément celle que beaucoup espèrent, à base de semaine de 4 heures, de retour au collectif et de syndicalisation portée par la fervente Union Girl. En 2035, fini les 35 heures et le CDI (pour ceux qui en avaient un !), le travail sera plus fracturé que jamais. Un fonctionnement désirable pour les uns qui sera sans doute subi pour les autres.

Une plus grande fracturation du travail

Cumuler les activités s’impose visiblement comme une évidence pour de nombreux Français. D’après une récente étude, 3 Français sur 4 estiment que l’on se dirige vers la multiplication des activités rémunérées. En 2035, une majorité de Français devrait occuper en moyenne 2,3 activités différentes, contre seulement 8% aujourd’hui (soit 2,3 millions de travailleurs).

Si la diversification des types d’emplois et de contrats s’accélère, c’est bien car la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 aura contribué à lever les derniers freins culturels, entre travail à distance et remise en question de l’organisation traditionnelle du travail. Pour les experts, la fragmentation de l’activité professionnelle s’opérera entre plusieurs lieux, employeurs et missions. En d’autres termes : on sera libraire à mi-temps en CDD, graphiste le soir, chauffeur Uber le week-end. Et avec globalement des emplois du temps plus chargés.

Pour la société de conseil onepoint, le modèle serait sur le principe plutôt vertueux : « Superposer plusieurs activités professionnelles rémunérées sera source d’épanouissement des travailleurs en recherche de sens, d’entrepreneuriat et de plaisir dans leurs quotidiens collaborateurs. Cette multi-activité traduit en effet la fragmentation des quotidiens des travailleurs, qui appelle à la création de nouveaux repères à l’échelle individuelle et organisationnelle ».

La multi-activité : un truc de riches ?  

Idéalement, cela signifierait devenir plus polyvalents, pivoter plus aisément, ou encore s’improviser nomades si on le souhaite. Oui mais…

Les experts restent néanmoins lucides quant aux risques encourus par les travailleurs les plus précaires. Pour Martin Lauquin, Creative Strategist chez onepoint, le grand défi sera de s’armer pour empêcher la fameuse plateformisation déjà à l’œuvre aujourd’hui, qui pourrait grandement accroître les inégalités liées aux conditions de travail et aux revenus. « Tout est à construire concernant la protection des travailleurs multi-actifs. Des innovations juridiques, organisationnelles mais aussi technologiques seront nécessaires pour soutenir ces nouvelles formes de travail et contribuer à les « désuberiser ». La question est : comment combiner différents statuts de façon flexible pour répondre à de nouveaux désirs de société tout en offrant plus de sécurité en matière de rémunération et de protections ? Cela nécessite d’élargir les notions de lieu de travail, de sécurité sociale ou encore de contrat… ».

En outre, dans un contexte d’effritement du travail unique, la possibilité de renouer avec la notion du collectif qui nous fait cruellement défaut aujourd’hui semble plus ténue que jamais. C’est pourtant pour Stewart Chau, sociologue, l’un des enjeux les plus cruciaux de notre époque. Il observe : « À force de sur-individualiser les expériences de vies, à force de s’adresser exclusivement à l’individu, il est de plus en plus difficile de créer du collectif. Le fait de faire face à une altérité qui dérange ne fonctionne plus, ce qui produit freins et obstacles à la mixité ».

L’ADN, Laure Coromines, 7 avril.2022