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Des châteaux de glace contre la sécheresse !

Au Ladakh, région du nord-ouest de l’Inde, bordée par l’Himalaya, ces monticules artificiels sont conçus pour être des réserves géantes d’eau.

Que faire si la neige qui fournit l’eau pour les cultures fond trop vite et qu’à mesure que les glaciers reculent, les cycles de fonte deviennent irréguliers ? Au Ladakh, dans la pointe nord de l’Inde, région de haute montagne et de désert bordée par l’Himalaya, soit l’eau manque, soit elle provoque des inondations qui lessivent les sols. Pour parer aux aléas climatiques, les habitants ont créé d’immenses monticules de glace : des stupas, dont la forme rappelle le monument qui abritait, à l’origine, les reliques de Bouddha. D’une certaine manière, ces cônes glacés sont eux aussi conçus pour abriter des reliques. En hiver, l’eau des rivières et des sources, inutilisée par ailleurs, est canalisée sous terre dans des conduites, jusqu’en bas de la pente.

La nuit, lorsque les températures gèlent, l’eau est libérée, puis projetée en l’air par un arroseur et, sous l’effet du froid, elle se solidifie. Au cours de la saison, la glace s’entasse et s’élève jusqu’à 20 mètres de hauteur. Le monticule formé peu à peu devient une réserve géante d’eau jusqu’à 1,5 million de mètres cubes. Au printemps, lorsque le soleil réchauffe la terre, la glace fond et permet d’irriguer les champs.  Le stupa de glace est l’idée de Sonam Wangchul, ingénieur ladalki.

Il s’est inspiré des travaux d’un autre ingénieur de la région, Chewang Norphel, qui avait créé des glaciers artificiels plats après avoir observé que pour être plus efficaces à des altitudes moins élevées, les glaciers artificiels devaient présenter une surface moins importante. Ainsi, grâce à leur forme, les stupas de glace fondent plus lentement que les champs de glace, même au soleil.

Optimisation !

En trois ans, plus d’une cinquantaine de structures glaciaires ont été construites par des villages du Ladakh. Ces réservoirs de glace se sont peu à peu révélés économiquement réalisables et neutres en énergie, ce qui en fait un atout majeur pour les mesures d’adaptation au changement climatique. La plupart des coûts de construction sont consacrés aux pipelines entre 2 000 et 6 000 euros. La formation des fontaines de glace fonctionne grâce à la gravité terrestre. Aucune énergie externe n’est donc nécessaire.

Malgré ces atouts, personne ne savait encore si cette technologie pouvait être reproduite ailleurs dans le monde et s’imposer comme une stratégie viable de gestion des ressources en eau. Il manquait un modèle prédictif capable de fournir des estimations quantitatives de l’eau de fonte évacuée.

En 2020, une fontaine de glace est construite à Guttannen, dans les Alpes suisses. Les données collectées pendant deux ans sont alors comparées avec celles enregistrées sur les structures en Inde. Les résultats sont encourageants.

« Pour créer un glacier de dix millions de litres d’eau, les gens au Ladakh construisent des structures pendant environ trente nuits. Mais en Suisse, les mêmes structures, construites dans le même laps de temps, ne stockent qu’environ 100 000 litres, en raison des différences météorologiques. Cet écart nous a donné l’idée de développer un programme capable d’estimer les volumes de glace en fonction des zones géographiques aux climats différents, explique Suryanarayanan Balasubramanian, doctorant qui étudie l’optimisation du stockage de l’eau glacée au département Géosciences de l’université de Fribourg en Suisse, qui porte le projet avec l’Himalayan Institute of Alternatives, Ladakh.

Cette technique d’adaptation à la sécheresse inspire des zones montagneuses et reculées du monde entier. Outre le Ladakh, les réservoirs de glace sont maintenant utilisés par les agriculteurs du Mustang au Népal, dans la région de Santiago du Chili ou dans la province de Batken, au Kirghizistan.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Point, Nathalie Lamoureux, 22 septembre 2022