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C’est dans la poche !

Sur les podiums du printemps-été 2023, la poche est le nouvel incontournable mode qui upgrade toutes les silhouettes estivales. Elle pourrait même libérer du sac à main !

Il y a celles qui :

  • cachent la poitrine sur une blouse transparente chez Chanel,
  • celles qui se fondent en masse sur la toile fleurie d’un pantalon cargo chez Dior,
  • celles qui donnent du volume à un blouson bomber chez Dries Van Noten,
  • celles qui en imposent sur une robe de bal dorée signée Ralph Lauren,
  • celles qui prennent la forme de deux coussins sur le haut d’un short chez Miu Miu,
  • celles que l’on ne compte même plus tant elles sont nombreuses sur un gilet de pêcheur en cuir et une petite jupe assortie chez Louis Vuitton.

Sur les podiums du printemps-été 2023, la poche est le nouvel incontournable mode qui upgrade toutes les silhouettes estivales.

« Aujourd’hui, elle n’est plus seulement ce petit bout d’étoffe que l’on ajoute comme un prérequis technique, mais comme un embellissement du vêtement, explique Dinah Sultan, styliste tendances au bureau Peclers Paris.

On la remarque, on l’admire, surtout quand elle est façonnée dans un imprimé ou une couleur différents de la pièce qu’elle habille. Côté forme, même engouement :

  • carrée ou rectangulaire,
  • plaquée ou passepoilée,
  • à rabat ou à soufflet, bombée ou zippée…,

les créateurs s’amusent à décliner la poche sous toutes les coutures.» Mais comment expliquer un tel engouement pour ce compartiment du vêtement plus connu pour sa praticité que pour son style ? Car les chiffres le prouvent. D’après Tagwalk, le site qui référence tous les vêtements, accessoires, détails et couleurs issus des défilés de Paris, Milan, Londres et New York, 46 % des designers cette saison y ont eu recours, et leur utilisation a augmenté de         126 % par rapport à l’année dernière. 

Baroudeuse chic

 La « pochemania » confirme en fait une tendance extrêmement en vogue en ce moment : le gorpcore, dérivé de normcore (la normalité au sens pur), et sa mode technique et confortable inspirée des vêtements de plein air.

« À la sortie de la crise sanitaire, on ressent cette envie des gens de bouger, de marcher, d’explorer des endroits et de découvrir le monde, qu’il soit urbain ou naturel, note Dinah Sultan.

Or, ce besoin d’évasion implique une liberté de mouvement. Et quoi de mieux que les six poches fonctionnelles d’un pantalon cargo ou toute autre pièce à l’esprit baroudeuse chic pour se libérer d’un it bag ou d’un sac à dos qui, en plus d’encombrer une épaule, décadre le mouvement du corps ? »

Il devient donc beaucoup plus facile de sortir se balader ou d’aller faire ses courses sans s’encombrer d’un maxi fourre-tout. « Ce phénomène no bag est également porté par la génération Z, ajoute la styliste. Les jeunes ressentent une envie vitale de faire la fête et de rattraper le temps perdu pendant les confinements de la crise sanitaire. Ils sortent beaucoup dans les bars et les boîtes de nuit, enchaînent les festivals…

Et le fait de pouvoir danser sans être contraintes par un sac à main ou une pochette offre aux party girls un sentiment de liberté extrême. Sans oublier le fait que marcher les mains dans les poches donne une démarche nonchalante, moins guindée, et surtout une attitude cool, presque punk !»

Signe d’indépendance

Ramener des poches dans le vestiaire des femmes serait aussi une manière de soutenir le combat pour l’égalité des sexes. Selon une étude publiée par le média américain The Pudding, qui a analysé plus de quarante modèles de jeans différents, les poches avant des modèles féminins sont 48 % plus courtes et 6,5 % plus étroites que celles des hommes.

Cette différence de traitement daterait du XVIIe siècle et se justifierait selon cette idée : moins de poches signifie moins d’indépendance. Si une femme n’a pas besoin d’avoir d’argent, pourquoi aurait-elle besoin d’un endroit pour le ranger ?

« Depuis plusieurs saisons, la nouvelle vague de créateurs accorde énormément d’importance à la fonctionnalité pure et à la souplesse du vêtement féminin, à l’image de celui des hommes, atteste Dinah Sultan. Et les poches, désormais aussi décoratives qu’utiles, s’inscrivent dans cette quête d’une mode non genrée impactante.»

Mais que l’on parle de fonction ou d’effet stylistique, de genre ou de statut, la folie de la poche ne sonne pas pour autant la fin du sac à main ! Le jour, il demeure la valeur sûre des working girls, dans lequel elles glissent tous leurs essentiels d’un quotidien surchargé. Le soir, enfin, il reste un point fort esthétique que l’on choisit pour se faire plaisir, ou pour donner le ton ou la touche finale d’une tenue.

Madame Figaro, Clémence Pouget, 7 mars 2023