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Bureaux : Après les habitudes post télé-travail, on rénove les espaces pour votre plus grand plaisir

Le beau  n’est pas accessoire, mais un besoin élémentaire : il procure une émotion positive, et transforme un espace en lieu empathique.

Les architectes parisiens Ivana Barbarito et Benjamin Bancel, fondateurs en 2011 de l’agence Barbarito Bancel, ont rénové ces 10 000 m2 du bâtiment à architecture Eiffel dans un esprit baudelairien, façon luxe, calme et volupté. « Il s’agit d’aménager des espaces de travail contemporains, non plus pensés en termes de productivité au mètre carré mais de lieu de vie favorisant le bien-être et les échanges, ce qui vise à l’efficacité au travail », explique Ivana Barbarito.

Au-delà du décor – parois de chêne clair ou cloisons de verre, escaliers éclairés de suspensions en albâtre, chambranle de portes surligné d’un fil de laiton –, on a soigné d’autres détails du domaine de l’invisible : l’acoustique, l’éclairage et l’ergonomie. Les baies vitrées sur Paris ont été agrandies pour libérer le regard, et « les couloirs redessinés pour éviter que l’on se sente perdu, ce qui engendre insécurité et mal-être », précise Benjamin Bancel.

« Le design est l’expression la plus contemporaine de l’hospitalité », Julien Diard, fondateur de Moore Design.

Pour les deux fondateurs de l’agence qui a reçu, en 2016, un American Architecture Prize pour la façade de la boutique Dior du Miami Design District, « cette rénovation parle du beau qui n’est pas accessoire, mais un besoin élémentaire : il procure une émotion positive, et transforme un espace en lieu empathique ».

La vraie nouveauté est ailleurs. « Du côté des employés, la pandémie a révélé trois choses : que tout le bureau était dans l’ordinateur, qu’on travaillait beaucoup trop, temps de déplacement inclus, pour mener une vie épanouissante, mais aussi qu’il était difficile de rester chez soi tout le temps, avec la nécessité de se voir, de se réunir… C’est une vraie crise existentielle », souligne Thierry Pillon, professeur de sociologie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne.

Des plateaux en oblique

« L’entreprise a désormais le souci d’attirer et de conserver les talents avec des conditions de travail très favorables. Cela prend de moins en moins la forme d’un bureau bien à soi, mais plutôt d’un art de vivre global au bureau, assorti de services comme conciergerie, cantine ou crèche. Ce qui existait déjà auparavant, il est vrai, s’impose désormais dans une version XXL, plus “hype”, type hôtel 5 étoiles. Enfin, un boulevard est ouvert pour le design, avec ces marques qui ne prétendent pas seulement vendre du mobilier, mais un aménagement qui augmente le confort, la concentration et donc l’investissement de chaque collaborateur », analyse cet expert, co-auteur de Le Corps au travail, paru cet automne chez New Digital Frontiers.

Autant de solutions que la jeune société Moore Design, spécialiste depuis 2012 de l’aménagement de bureaux, donne à voir à ses clients entrepreneurs, avec le Five, inauguré en septembre dans le quartier parisien Montorgueil. Cette vitrine dernier cri en termes d’espaces de travail est composée d’une terrasse avec bar au dernier étage, d’une salle de sport au sous-sol, et entre les deux, de ce qui se ferait de meilleur dans le genre bien-être au travail, le tout dans un univers de bois clair et béton ciré.

Bureaux atypiques, ici arrangés autour d’un arbre, là avec des plateaux en oblique pour que chacun travaille en léger décalage avec son vis-à-vis, ou là en forme de cacahuète pour une discussion à plusieurs ; zones de repos (canapés, mini-terrasses arborées) et de partage (cafeteria, cuisine, conciergerie) : le fondateur de Moore Design, Julien Diard, multiplie les scenarios, afin que chaque entreprise trouve la formule idoine.

« La pandémie de Covid-19 a accéléré, puissance 100, la mutation des espaces de travail », souligne cet entrepreneur. « Salles de réunion sans âme, bureaux pas en adéquation avec les utilisateurs, restaurants d’entreprise qui sont de la place perdue entre les repas… les entreprises ont pris conscience de l’inadaptation de leur organisation, à l’heure où le télétravail se généralise », estime Julien Diard qui a eu l’idée de louer pour partie son nouveau show-room de 1 200 m2 sur 6 plateaux, afin que ses clients puissent tester « in vivo » la viabilité de tel ou tel scénario.

 

Le Monde, Véronique Lorelle, 10 novembre 2021