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A La Rochelle, Nantes, Toulouse… le camping comme dernier refuge !

La location de mobil-homes se banalise, faute de résidences ou d’appartements adaptés aux petits budgets en centre-ville

En cette fin d’après-midi d’hiver, une pluie diluvienne balaie le littoral. Les allées du camping A la Corniche, 1 situé à Angoulins-sur-Mer (Charente-Maritime), à une dizaine de kilomètres de La Rochelle, sont désertes. Les derniers touristes ont plié bagage vers la mi-octobre. Pourtant, plusieurs mobil-homes semblent habités, comme le numéro T21.

Un mouchoir de poche de 17 mètres carrés, avec un coin cuisine, une table, une chambre et une salle de bains. Etudiante à Excelia Business School, une grande école rochelaise, Lou-Isa Cadiou y a posé ses valises au mois de septembre 2021, pour un loyer mensuel de 225 euros. « Le camping est un peu excentré et pas très bien desservi », précise cette Franco-Américaine de 21 ans.

Mais, vu la situation du marché immobilier, l’étudiante ne peut pas faire la fine bouche. « Il y a très peu d’annonces, et les rares offres qu’on trouve partent en un rien de temps, assure-t-elle. Et comme je ne suis censée rester qu’un semestre ici, aucun propriétaire ne veut me louer un studio. »

Apprenti menuisier d’agencement nautique aux Compagnons du devoir, son voisin, Ferdinand Poirier, dispose, sur le papier, d’un bien meilleur dossier. « Mais, même avec un contrat, un salaire et des garants, impossible de trouver un appartement à La Rochelle», se désole ce Nantais de 21 ans.

Le territoire, qui allie un cadre de vie agréable et une offre de formations variée – avec, notamment, une école de commerce et d’ingénieurs et une université européenne – paierait-il le prix de son attractivité ? En dix ans, la population étudiante de La Rochelle a grossi de 28,85 % pour atteindre 15 575 étu­diants postbac à la rentrée 2020-2021, selon les chiffres communiqués par l’agglomération.

Situations de précarité

Malgré les onze résidences étu­diantes supplémentaires construites ces dix dernières années, l’offre de logements, à l’inverse, a eu plutôt tendance à se raréfier. « Un effet Airbnb, analyse Vincent Demester, vice-président de la communauté d’agglomération chargé de l’enseignement supérieur. De nombreuses petites surfaces sont aujourd’hui affectées à la location touristique. »

À Angoulins-sur-Mer, ils sont une vingtaine d’étudiants à avoir trouvé refuge au camping, depuis le mois de septembre. Et l’on constate le même phénomène dans d’autres villes, comme Nantes, Aix-en-Provence (Bouches-du­Rhône), Toulouse, Quimper ou encore Angers. « Dans un contexte où , le champ des possibles se restreint, le camping s’impose comme une solution parmi d’autres pour les jeunes, analyse le sociologue Gaspard Lion, maître de conférences à l’université Sorbonne-Paris-Nord. Aujourd’ hui, on trouve, dans un mobil-home, tous les équipements d’un petit appartement, avec les services du camping en plus – parking, courrier, laverie, Internet – et  les barrières d’accès en moins. » Beaucoup de gérants n’exigent en effet aucune garantie.

Difficile, pourtant, d’envisager ce type d’habitation comme une solution durable. « Un mobil­home, c’est sympa pour les vacances, beaucoup moins pour y vivre tout le temps», estime Ferdinand. Quand on allume un appareil électrique en même temps que les radiateurs, le chauffage se coupe.

Pour limiter ces situations de précarité, le Crous et l’association rochelaise d’hébergement pour les étudiants et les jeunes ont prévu de construire 230 logements étudiants d’ici quatre ans. « Mais on ne pourra pas construire indéfiniment », prévient M. Demester. La municipalité de La Rochelle a décidé de majorer de 50 % la part communale de la taxe d’habitation des résidences se­condaires. L’objectif : encourager les propriétaires à louer leurs biens aux étudiants en dehors de la saison estivale. M. Demester milite aussi pour instaurer des rentrées décalées. « Avec les stages et les départs en Erasmus, beaucoup de chambres sont inoccupées à partir de janvier, constate-t-il. C’est une aberration ! »

Le Monde, Élodie Chermann, 19 janvier 2022