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10 pistes pour « habiter la France de demain »

Promouvoir des logements neufs et abordables, densifier les périphéries… la ministre du logement Emmanuelle Wargon a présenté des propositions pour concilier habitat « durable et désirable ».

1 Mener la bataille culturelle de la densité

Il faut se rendre à l’évidence : « le rêve de pavillon avec jardin » auquel 75 % des Français aspirent « n’est pas compatible avec les enjeux environnementaux. Il faut donc proposer un autre idéal », pose en préambule la ministre du logement. Mais il y a là une sérieuse bataille culturelle à mener pour rendre « désirable » l’habitat collectif et les quartiers denses, plus sobres en foncier.

Toujours dans l’idée de « changer les représentations », une plate-forme présentera, fin novembre, 128 réalisations qui concilient « durable et désirable », selon les termes consacrés. Il y a, enfin, l’idée d’une campagne grand public à mener, mais il n’est pas dit qu’elle voie le jour avant la fin du quinquennat.

2 Améliorer la qualité des logements neufs

C’est sûrement le sujet sur lequel les propositions seront les plus concrètes à court terme et qui pourraient avoir un effet d’entraînement sur les 100 000 à 120 000 logements commercialisés chaque année par les promoteurs. Les derniers détails doivent encore être arbitrés, mais les logements neufs vendus à partir de 2023 et destinés à être loués avec l’avantage fiscal Pinel devront répondre à des critères de qualité : Des surfaces minimales (45 m² pour un T2, 62 m² pour un T3, 79 m2 pour un T4), un espace extérieur privatif, et une double exposition à partir du T3 pour favoriser les courants d’air lorsqu’il fait chaud.

3 Densifier les périphéries et les entrées de ville

Les zones commerciales à l’entrée des villes – la « France moche », comme l’avait désignée Télérama –, peu denses, en perte de vitesse, et 100 % artificialisées représentent un chantier prioritaire. « On pourrait imaginer de belles opérations en remettant massivement des logements, des services pour réaliser la continuité urbaine », suggère la ministre.

4 Relancer la construction avec des contrats Etats-collectivités

Les logements manquent cruellement dans les grandes agglomérations, et la construction a fléchi depuis 2017. Pour relancer les chantiers, l’idée est de reprendre une préconisation du rapport du maire de Dijon, François Rebsamen, « Lever les freins à la construction », remis fin septembre, en fixant des objectifs de production assignés à chaque intercommunalité ou communes, dans les zones tendues. A la clé, une subvention de 1 500 euros par logement. La ministre veut introduire des critères qualitatifs et n’exclut pas de mobiliser du foncier public.

5 Favoriser la création de logements abordables

La baisse de la production de logements sociaux inquiète. Pour aider les communes prêtes à jouer le jeu, le premier ministre, Jean Castex, a annoncé, lors du congrès des HLM, fin septembre à Bordeaux, une mesure de compensation de l’exonération de taxe foncière. Pour le logement intermédiaire, le projet de loi de finances 2022 prévoit un crédit d’impôt équivalent au montant de la taxe foncière accordé aux bailleurs, notamment les deux gros opérateurs CDC Habitat et In’li, filiale d’Action logement.

6  Faire baisser les coûts en industrialisant la construction hors site

Les coûts de construction n’ont pas bougé depuis des décennies. Or, c’est une source d’économies pour bâtir des logements plus abordables. Massifier la construction hors site, avec des éléments préfabriqués en usine est une piste. La construction bois est prometteuse. Mais cela suppose de moderniser les scieries, de créer des usines de fabrication de panneaux, de poutres..

 7 Régler l’épineuse question du foncier

Chaque table ronde, chaque proposition achoppe sur le prix et la pénurie de terrains. Sur cette question, « j’assume de dire que je n’ai pas de solution miracle. Et pourtant, il n’est pas possible de laisser les choses en l’état », admet Emmanuelle Wargon, en dépit des rapports qui s’entassent. Les derniers en date : ceux de l’ancien directeur de la Caisse des dépôts Dominique Figeat (2016) et du député Jean-Luc Lagleize (2019).

Une réflexion complémentaire sera menée lors « d’assises du foncier en zone tendue » pour aborder la question de la régulation des prix, de la fiscalité, et voir comment amplifier des expérimentations comme celles menées par les organismes de foncier solidaire, qui dissocient les murs du terrain, et encadrent les prix de revente.

8 Une prime pour adapter les logements au vieillissement

« Vieillir en restant chez soi le plus longtemps possible est le souhait de 80 % des Français », assure la ministre du logement, qui souhaite créer MaPrimeAdapt’, sur le modèle de MaPrimeRénov, le guichet unique pour la rénovation énergétique. Cette aide doit permettre d’effectuer les travaux liés au grand âge (salle de bains, barre d’appui, monte-escaliers). Plusieurs mesures existantes, « nombreuses, et parfois incohérentes », seraient fusionnées en une seule. Mais le chantier démarre à peine.

9 Penser la deuxième vie des bâtiments dès leur conception

L’habitude systématique de démolir pour reconstruire est un non-sens écologique. Mieux vaut chercher à intervenir sur l’existant. La transformation des bureaux en logements avait du mal à émerger en raison de la meilleure rentabilité des premiers comparés aux seconds. La donne change avec l’essor du télétravail. Emmanuelle Wargon fixe un objectif à dix ans : multiplier par quatre le nombre de mètres carrés transformés, c’est-à-dire passer de 350 000 m² convertis par an (4 000 à 5 000 logements créés) à 1,4 million de m² (20 000 logements).

A plus long terme, il s’agit d’encourager la réversibilité des bâtiments dès leur conception, ce que certaines villes, comme Tours, exigent déjà. Autre piste, celle expérimentée pour les JO de Paris 2024, avec ce permis de construire dit « à double état », avec un premier usage, le village olympique, et un second, les futurs logements.

10 Adapter les quartiers au télétravail

Le télétravail est de plus en plus plébiscité, mais travailler chez soi n’est pas forcément idéal, voire possible. « Il faut que chacun puisse travailler en bas de chez-soi, plutôt que chez soi », affirme Emmanuelle Wargon. Les « tiers lieux », ces espaces partagés, ont un bel avenir devant eux. La ministre souhaite les voir se développer sur tous les territoires, en ville comme à la campagne, et que la question de leur création se pose désormais dans chaque opération d’aménagement.

Le Monde,Isabelle Rey-Lefebvre et Emeline Cazi, 14 octobre 2021